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Un nouveau protocole sur la gestion intégrée des zones côtières : protocole de Madrid du 21 janvier 2008

Michel Prieur

Texte intégral

1La préparation d’un nouveau protocole à la Convention de Barcelone consacré aux zones côtières est justifiée par plusieurs raisons. La zone côtière est un patrimoine commun naturel et culturel des peuples de la Méditerranée qui se trouve menacé à la fois par les activités humaines (concentration de population et de l’habitat, développement du tourisme et de nouvelles techniques intensive d’exploitation aquacoles) et par les effets du changement climatique avec les risques d’élévation du niveau de la mer et les risques d’inondations et de tsunamis. De tous les diagnostics réalisés depuis 15 ans sur l’état du littoral Méditerranéen il résulte qu’il est urgent de stopper et d’inverser la dégradation du littoral. L’introduction de la zone côtière dans le champ d’application du système de Barcelone a été réalisée dès 1995 lors des amendements apportés au texte initial de 1976. En effet c’est alors que la Convention a introduit le littoral dans son titre même : convention sur la protection du milieu marin « et du littoral » ainsi que dans l’art. 4-3 e selon lequel les Etats : « s’engagent à promouvoir la gestion intégrée du littoral en tenant compte de la protection des zones d’intérêt écologique et paysager et de l’utilisation rationnelle des ressources naturelles ». Cette formulation introduit le concept de « gestion intégrée » issu du chapitre 17 de l’agenda 21 adopté à Rio en 1992.

2De quelle intégration s’agit-il ? La gestion intégrée qui était jusqu’alors un concept d’aménageurs devient un concept juridique qui revêt diverses formes : l’intégration territoriale qui exige l’interdépendance des parties terrestres et maritimes de la zone côtière, l’intégration institutionnelle qui implique une coordination horizontale et verticale des diverses autorités publiques centrales et locales ayant des compétences sur la zone côtière, l’intégration des planifications et des activités grâce aux stratégies , plans et programmes qui ne doivent plus être sectoriels et enfin l’intégration décisionnelle qui implique la concertation , la participation des acteurs et une évaluation systématique des impacts sur l’environnement des travaux sur la zone côtière.

3Le projet de protocole indique dans son préambule comment il envisage la mise en place juridique d’une nouvelle gestion intégrée. Il convient d’abord de tenir compte des expériences de terrain acquises, des recommandations de la Commission méditerranéenne du développement durable, de la Recommandation du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2002, des instruments de droit international (notamment la convention de Montago Bay de 1982, la convention de Ramsar de 1971, la convention sur la diversité biologique de 1992). Une attention particulière doit être donnée à la convention sur les changements climatiques de 1992 dont l’art 4-e impose aux Etats de réaliser des plans de gestion intégrée dans les zones côtières. Le futur protocole sera le premier traité international sur les zones côtières, mais aussi le premier à mettre en œuvre au plan multilatéral l’art. 4-e de la convention sur les changements climatiques. Le protocole organise une coopération au niveau des bassins et des Etats côtiers pour mettre en place une approche globale des zones côtières comme instrument d’un développement durable. Aussi pour la première fois, la gestion intégrée des zones côtières est définie dans un instrument juridique contraignant :

« on entend par gestion intégrée des zones côtières, un processus dynamique de gestion et d’utilisation durable des zones côtières prenant en compte simultanément la fragilité des écosystèmes et des paysages côtiers, la diversité des activités et des usages, leurs interactions, la vocation maritime de certains d’entre eux, ainsi que leurs impacts à la fois sur la partie maritime et la partie terrestre ».

4Le processus d’élaboration de ce protocole a été le suivant :

  • 2001, 12° réunion des Parties à la Convention de Barcelone (Monaco) décidant d’une étude de faisabilité d’un instrument juridique sur les zones côtières

  • 2003,  13° réunion des Parties (Catane) entérinant l’étude de faisabilité et donnant mandat au secrétariat de préparer un projet de protocole

  • mai 2004, réunion consultative à Cagliari pour recueillir les propositions des divers acteurs

  • juin 2005, réunion consultative à Oristano dans le même but

  • 2005, 14° réunion des Partie (Portoroz) : décision d’entamer la négociation avec des experts gouvernementaux

  • 2006-2007 : quatre réunions du groupe d’experts gouvernementaux

  • 2007, 15° réunion des Parties (Alméria): approbation du projet et convocation d’une conférence diplomatique pour signature fin 2007 ou début 2008.

5La rédaction d’un protocole sur les zones côtières impliquait de déterminer d’abord la définition juridique des zones côtières et le champ géographique d’application du protocole. Les traités existants de mers régionales ne définissent jamais ce qu’est une zone côtière et ne fixent aucune délimitation de cette zone, laissant à chaque Etat la liberté de déterminer les limites de la zone côtière, ce qui n’assure aucune sécurité juridique. Cette imprécision ne pouvait plus durer dans la mesure ou un protocole spécial était élaboré. Aussi l’art. 2 du protocole donne-t-il la définition suivante :

« on entend par zone côtière l’espace géomorphologique de part et d’autre du rivage de la mer ou se manifeste l’interaction entre la partie maritime et la partie terrestre à travers des systèmes écologiques et des systèmes de ressources complexes comprenant des composantes biotiques et abiotiques coexistant et interagissant avec les communautés humaines et les activités socio-économiques pertinentes ».

6L’art. 3 délimite la zone côtière en posant comme règle  que le territoire de la zone côtière couvre la mer territoriale et les communes littorales. Un mécanisme de dérogation permet aux Etats d’adapter le territoire de leur zone côtière à leurs particularités locales : ce territoire peut être côté mer inférieur aux 12 milles marins, et côté terre il peut être plus ou moins large que le territoire communal. Si un Etat désire bénéficier de ces dérogations il doit le notifier expressément auprès du dépositaire en se fondant sur des motifs écologiques, économiques sociaux ou du fait d’une situation insulaire.

7Le contenu des dispositions du protocole peut être regroupé en quatre parties.

Les objectifs, les principes et les conditions de la gestion intégrée

8Les objectifs sont de faciliter le développement durable des zones côtières (y compris pour les générations futures) grâce à une planification rationnelle des activités ; de garantir l’utilisation durable des ressources naturelles, spécialement l’eau, de prévenir les effets des aléas naturels, en particulier des changements climatiques et d’assurer la cohérence des initiatives publiques et privées quant aux décisions d’utilisation de la zone côtière.

9Des principes généraux doivent guider les Parties au protocole.  Ils sont au nombre de dix. Il s’agit , entre autres, de considérer que la partie maritime et la partie terrestre forment une entité unique, de prendre en compte la capacité de charge de la zone côtière, d’organiser la coordination institutionnelle, d’instituer une gouvernance appropriée, d’appliquer une approche écosystémique dans l’aménagement et la gestion des zones côtières, d’assurer un répartition harmonieuse des activités, d’éviter l’étalement urbain littoral, d’élaborer des stratégies , plans et programmes côtiers d’utilisation du sol englobant l’urbanisme, les activités socio-économiques et les autres politiques sectorielles pertinentes .

10Une série de règles sont édictées en vue d’une utilisation durable de la frange côtière : inconstructibilité dans une zone de 100m, coupure d’urbanisation, intégration de l’environnement dans la gestion du domaine public maritime, limitation ou interdiction de la circulation des véhicules sur les plages et les dunes, accès libre et gratuit du public à la mer et le long du rivage.

11La gestion intégrée implique aussi nécessairement une coordination institutionnelle, l’organisation de la participation de tous les acteurs à tous les stades de décision  et une politique de sensibilisation, d’éducation, de formation et de recherche.

Les domaines et activités concernées :

12Les activités économiques doivent prendre en compte la gestion intégrée des ressources en eau, la gestion rationnelle des déchets et le respect de seuils de capacité de charge du milieu grâce à des indicateurs. Certaines activités devront être soumises à autorisation préalable, réglementation ou interdiction. Il s’agit de l’aquaculture, des fouilles, extractions minérales, prélèvement d’eau de mer pour la désalinisation, extraction de sable, travaux côtiers, ouvrages maritimes et activités maritimes.  Le tourisme et les activités sportives et de loisirs sont spécialement mentionnés en vue d’un tourisme durable favorisant l’écotourisme côtier et contrôlant les pratiques sportives ainsi que la récolte non professionnelle des coquillages.

13Le protocole instaure un régime juridique nouveau des aires naturelles non protégées qui doivent être néanmoins préservées (zones humides, forêts littorales, dunes, îles et îlots, paysages). Un contrôle nouveau des biens du patrimoine culturel côtier est institué, en particulier du patrimoine subaquatique, compte tenu des pillages réalisés par des ressortissants d’États tiers, notamment américains.

Les instruments de mise en œuvre de la gestion intégrée

14Les Etats de la Méditerranée décident de mettre en place des observatoires, de faire des inventaires et de mettre leurs zones côtières en réseau pour mieux les connaître  et pour partager leurs bonnes pratiques.

15L’instrument formel le plus important pour intégrer les activités sectorielles dans la zone côtière  est constitué d’un ensemble composé d’une stratégie nationale et de plans et programmes côtiers. Ces instruments nationaux devront être conformes à un cadre régional commun pour l’ensemble de la Méditerranée issu de la Stratégie méditerranéenne pour le développement durable  éventuellement complétée.

16Bien entendu l’étude d’impact sur les projets et l’évaluation environnementale stratégique des plans et programmes seront les instruments les plus opérationnels. Ils devront prendre en compte spécialement la fragilité de la zone côtière, l’interrelation entre la partie terrestre et maritime, la capacité de charge de la zone et les impacts cumulatifs.

17Le protocole mentionne enfin, sans imposer de normes obligatoires, l’intérêt des instruments fonciers, économiques, financiers et fiscaux.

La coopération internationale

18La coopération internationale classique consiste à organiser entre les Parties des actions de formation et de recherche sur la gestion intégrée des zones côtières, une assistance scientifique et technique et un échange d’informations et de projets de démonstration.

19Une coopération plus novatrice est prévue dans le domaine de la coopération transfrontalière des zones côtières, en particulier en ce qui concerne les études d’impact transfrontières.

20Mais c’est surtout ce qui concerne les aléas naturels et les catastrophes naturelles, y compris celles qui sont induites éventuellement par des activités humaines, qui méritent notre attention. L’érosion côtière, un fléau généralisé dans le sud, nécessite des mesures particulières de prévention et parfois des opérations délicates de restauration. Le protocole prévoit une coopération et une assistance humanitaire en cas de catastrophes, mais surtout il impose une coordination des systèmes d’alerte et de détection pour informer, en urgence, les populations des catastrophes majeures, type tsunamis. Ces derniers ont déjà affecté, dans le passé, les zones côtières de la Méditerranée.

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Table des illustrations

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Pour citer cet article

Référence électronique

Michel Prieur, « Un nouveau protocole sur la gestion intégrée des zones côtières : protocole de Madrid du 21 janvier 2008 »VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Hors-série 5 | mai 2009, mis en ligne le 28 mai 2009, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/vertigo/8426 ; DOI : https://doi.org/10.4000/vertigo.8426

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Auteur

Michel Prieur

Professeur émérite, Université de Limoge,  Directeur scientifique du CRIDEAU, Président  adjoint de la Commission droit de l’environnement de L’UICN, Consultant juridique du PNUE pour la préparation du Protocole

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