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Afrique
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Texte intégral

1Tenter de cerner en quelques lignes la richesse des publications présentées dans ce livre représente une véritable gageure que nous ne tenterons pas de relever. La gestion, ou plutôt la gouvernance des ressources naturelles, déjà si complexe dans les régions plus stables revêt dans la région post ou même encore en conflit de la région des Grands Lacs africains des défis immenses dont le livre aborde des aspects très concrets.

2Le livre analyse dans les premiers chapitres de cet ouvrage les facteurs qui ont contribué à la dégradation des ressources, l’évaluation des impacts environnementaux des pratiques utilisées sur les aires protégées, les questions complexes de superposition du droit foncier et du droit moderne et chaque auteur y tente à sa manière de proposer des pistes ou des voies de sortie qui peuvent orienter des politiques qu'on pourrait dire de reconstruction environnementale. Un état des lieux de la situation des ressources naturelles, somme toute…

3La question environnementale apparait dès lors au cours des différentes présentations qui suivent comme une question essentiellement politique et c’est à ce niveau que doivent se prendre les décisions. Le renforcement du capital social des communautés ou mieux encore leur « empowerment » pour pouvoir participer à une véritable gouvernance des ressources est donc fondamental.

4La question de la législation sur les ressources naturelles se complexifie par la superposition du droit coutumier et moderne ainsi que par différents codes qui ne sont toujours pas harmonisés (code foncier, code forestier, code minier, code de l’environnement, etc.) aussi bien au Burundi qu’en RD Congo. La recommandation forte aux décideurs des deux pays est de travailler rapidement pour lever les contradictions qui apparaissent dans ces documents clés.

5Ces politiques et cet engagement des communautés doivent dépasser néanmoins le contexte post-conflit caractérisé par des actions d’urgence pour s’assurer qu’elles deviennent progressivement viables et pérennes. La gratuité et les incitants faciles ne survivent que le temps des projets à l’instar de l’étude conduite sur la pérennité des systèmes antiérosifs.

6La cogestion des ressources naturelles reste au cœur de cet ouvrage. Les modèles comme les CCC (Comité de conservation communautaire) ont induit à une meilleure gestion des ressources au sein des aires protégées soumises à d'énormes pressions de groupes aux appétits très aiguisés et contradictoires.

7Mais ce sont les Comités de gouvernance des ressources naturelles (CGRN) qui représentent l’innovation capitale que nous présentons dans ce livre. Il s’agit justement de conjurer les forces centrifuges ou mieux de les conjuguer au sein d’organisations locales qui se donnent des règles contraignantes et de se doter de codes de conduites acceptées par toutes les parties prenantes et de les mouler dans une réglementation validée par les autorités locales (communes au Burundi et groupements en RD Congo). Les règles de partage des revenus d’une meilleure cogestion des ressources naturelles que ces comités ont négocié avec l’autorité garantissent la durabilité des CGRN qui peuvent non seulement se financer, mais aussi faire profiter à la population et à l’administration les retombées directes et incitatives d’une meilleure gestion des ressources naturelles, qui sont au final un mode indirect de paiement des services environnementaux.

8Ces comités, une fois renforcés, ont été en mesure de porter des dynamiques de gouvernance déjà décrites, mais aussi des initiatives de développement et de recherche. Un renforcement en gestion de conflits revêt donc une place importante pour « ’manager »’ les sensibilités des différents « ’ partenaires limitrophes »’. Le CGRN justement prend le courage, mais aussi le risque de faire dialoguer des acteurs qui au départ étaient plutôt méfiants comme : les responsables techniques, les responsables de la sécurité (police, garde-forestiers, police de l’environnement), l’administration et la population.

9Un tel modèle testé à un niveau plutôt local pourrait donc servir, une fois mis à échelle, au développent de politiques durables de gouvernance de pays fragilisés par les conflits et un faible développement. Des analyses complémentaires et des réajustements seront sans doute nécessaires pour atteindre cet objectif ambitieux, mais tout à fait réaliste au vu des résultats atteints par les chercheurs.

10La légalité/légitimité de telles organisations peut évidemment être mise en cause, mais les juristes indiquent que des engagements pris par la quasi-totalité des parties prenantes sont parfaitement légitimes et acquièrent une certaine légalité que lui confère justement ce consensus. Néanmoins, un travail de lobbying reste nécessaire pour qu’une législation plus formelle vienne consacrer ces engagements.

11Cependant, les CGRN ou les autres modèles de cogestion ne peuvent jouer pleinement leur rôle que si les conditions de vie des populations s’améliorent graduellement. C’est pourquoi les chercheurs, dans le cadre du projet qui sous-tend le livre, mais également les autres chercheurs ont travaillé sur des technologies innovantes qui peuvent contribuer à améliorer les conditions de vie des populations riveraines des ressources naturelles.

12La culture des champignons pleurotes sur un substrat d’une variété Pennisetum purpureum en milieu rural suscite beaucoup d’espoirs dans les régions surpeuplées du Kivu et du Burundi où les terres très émiettées et dégradées constituent le premier facteur limitant de l’amélioration de la sécurité alimentaire. La culture du Pennisetum fournit en effet à la fois des tuteurs pour le haricot volubile, du matériel de construction et de chauffe, du fourrage pour le bétail, une haie antiérosive qui conserve la ressource clé des populations qu’est le sol et donc aussi un substrat pour la culture des champignons. Il s’agit d’une synergie par excellence entre l’économique et la conservation des ressources naturelles qui aura largement favorisé l’adoption de cette précieuse graminée dans les exploitations agricoles.

13Mais comme le Pennisetum peut devenir envahissant surtout pour les superficies très petites du Burundi et du Kivu et limiter ainsi leur fertilité, le livre propose la technique de « cernage » (coupe d’une partie des racines) pour mitiger ces effets. Combinée à des techniques de gestion de la fertilité des eaux et des sols, d’introduction de variétés améliorées avec des dosages bien étudiés d’engrais organiques et minéraux et de doses modérées de chaux, il devient possible d’atteindre des rendements très encourageants et partant l’amélioration des conditions de vie.

14Dans la même lancée et suite aux changements climatiques, le livre a exploré la possibilité d’adapter à nos régions les techniques sahéliennes de « ’Tied Ridges »’ et de « ’Zaï »’ avec des accroissements spectaculaires de rendements que des études encore plus approfondies devraient permettre de mieux affiner. Dans l’esprit de la recherche-action paysanne, un engrais organique, le CETEP a été développé et testé en milieu réel avec de bonnes perspectives même si des recherches supplémentaires pourraient s’avérer nécessaires.

15La principale préoccupation des populations du Burundi et du Bushi reste l’insécurité alimentaire chronique contre laquelle les populations se battent au quotidien. La préservation des ressources naturelles dans un tel contexte présente peu de chances de succès. Il est donc capital de privilégier des approches qui visent en même temps les deux objectifs à l’instar de celles déjà proposées plus haut.

16L’étude sur la progression de la sécurité alimentaire met en avant un concept selon lequel pour trouver des issues à la question d’insécurité alimentaire, il devient crucial de rechercher des alternatives en aval et en amont de la production agricole et même d’investir en dehors du secteur agricole.

17Les réponses à ces questions passent par des synergies fortes et par l’engagement de tous. Cette synergie dans la gouvernance des ressources naturelles et l’amélioration de la sécurité alimentaire au sein des CGRN, le modèle prometteur privilégié dans ce livre, va au-delà des modèles de cogestion des ressources naturelles en créant autour de ces dernières une véritable dynamique d’auto-développement, d’autonomisation (empowerment) des communautés qui participent ainsi à la gestion participative du pouvoir, bref une véritable contribution à la démocratisation de l’administration locale et coutumière voire du pays, pierre angulaire de la construction de la paix et du développement.

18Le livre malgré ses importantes contributions est donc aussi un commencement de nouvelles recherches. Quelques études nécessitent d’être approfondie et en particulier portées à l'échelle provinciale, voire nationale.

19Sans un engagement des décideurs politiques, certaines recommandations du livre pourraient rester lettre morte. Les principales recommandations sont celles déjà formulées à l’issue de la conférence internationale qui avait réuni les auteurs de ce livre avec d’autres intervenants sur les défis et enjeux de la gouvernance des ressources naturelles. Il s’agit en premier de la nécessité d’un engagement fort des décideurs politiques à mettre en œuvre des politiques concertées de gouvernance des ressources naturelles et d’assumer pleinement leur rôle régalien pour garantir l’équité, la justice distributive et la sécurité des terres paysannes. Les organisations de la société civile et les services publics devront intensifier le processus de sensibilisation, d’information et de formation de toutes les couches sociales sur la gouvernance des ressources naturelles collectives pour garantir la protection de la biodiversité. La synergie scientifiques-acteurs sociaux-organisations paysannes devra se renforcer et se focaliser en priorité sur l’amélioration de la sécurité alimentaire et notamment la valorisation des innovations qui permettent de mitiger les effets des changements climatiques.

20C’est dire que ce livre est précieux à plus d’un titre. Au-delà des résultats importants de recherche, des innovations et de nouveaux savoirs, le livre tout comme le projet qui l’a enfanté veulent passer le message fort que malgré les conflits qui déchirent la région des Grands Lacs, elle reste riche non seulement de ressources naturelles, mais aussi d’hommes, de femmes et d’institutions capables de proposer des modèles qui participent à l’amélioration des conditions de vie de l’humanité lorsqu’ils mettent en synergie leurs forces vives.

21C’est en tout cas ce message d’espoir pour cette région que les auteurs de ce livre Hors-série!

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Pour citer cet article

Référence électronique

« Conclusion générale »VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Hors-série 17 | septembre 2013, mis en ligne le 12 septembre 2013, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/vertigo/14066 ; DOI : https://doi.org/10.4000/vertigo.14066

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