Navigation – Plan du site

AccueilHors-sérieHors-série 17État des lieux sur la gestion et ...Comprendre la dynamique de la vul...

État des lieux sur la gestion et la gouvernance environnementales dans la région des Grands Lacs africains

Comprendre la dynamique de la vulnérabilité à l’insécurité alimentaire au Sud-Kivu

Célestin Bucekuderhwa et Sylvain Mapatano

Résumés

Ce chapitre montre que la majorité de la population dans les villages du Sud-Kivu est en insécurité alimentaire. Cette situation est en partie liée à de nombreux paramètres qui sont : des conditions physiques et environnementales difficiles, à la faible disponibilité des terres arables, aux problèmes d’accès au financement des activités agricoles, au faible encadrement et à un accès aux connaissances nécessaire insuffisante, à une inégalité dans la distribution du revenu et de la richesse, à la baisse de la productivité, à la dégradation des infrastructures de base et à un faible niveau du capital social. Bien que les périodes de récolte permettent à certains ménages d’être en sécurité alimentaire grâce au bas prix des produits alimentaires, il est difficile de constituer des actifs solides pour survivre durant la période de soudure. À cause de la baisse des productions et de l’insécurité foncière, les ménages dans les villages d’étude dépendent à la fois des activités agricoles et non agricoles. Malgré la complexité du problème, les ménages ont besoin et méritent un soutien accru. Ce soutien devrait être basée et construit sur les pratiques locales tout en répondant aux diverses menaces qui pèsent sur leur mode de production.

Haut de page

Entrées d’index

Lieux d'étude :

Afrique
Haut de page

Texte intégral

Introduction

1Depuis les dernières décennies, l’agriculture dans nombreux pays d’Afrique est confrontée à une diminution de la production à l’hectare (Jayne et al., 2010, Bucekuderhwa et Ngendakuriyo, 2011). Comme conséquence, les personnes souffrant d’insécurité alimentaire ont augmenté et la majorité des populations et particulièrement dans les milieux ruraux vivent sans satisfaire leurs besoins nutritionnels les plus élémentaires. Prskawetz et al (2003) mettent en évidence la relation qui existe entre l’insécurité alimentaire, la faible productivité agricole et les inégalités dans la distribution des aliments.

2L’expérience alimentaire du paysan consiste souvent à des possibilités limitées en nourritures avec une insuffisance en matières nutritives. Les enfants de différents âges et les femmes continuent à souffrir de la malnutrition. De même, beaucoup d’enfants qui naissent ne parviennent pas à être pris en charge convenablement par leurs familles et sont souvent victimes d’exclusion et cela particulièrement dans les milieux ruraux.

3Comme les zones rurales ne connaissent aucun progrès (Ministère du Plan RDC, 2006 ; Gaye, 2005), les questions relatives au rapport entre l’exclusion sociale, l’insécurité alimentaire et l’atteinte du taux de sécurité alimentaire restent encore à résoudre. Les groupes marginalisés sont gravement exposés à la vulnérabilité et restent souvent invisibles dans les politiques et les interventions.

4Dans la province du Sud-Kivu (en République Démocratique du Congo), les institutions internationales et les organisations de développement reconnaissent que la faim et l’insécurité alimentaire sont les afflictions de base des populations pauvres, et se proposent de réduire la proportion de personnes extrêmement pauvres et affamées. Bien que des projets soient financés depuis les années 1990, le taux d’amélioration reste de loin celui requis pour atteindre ces objectifs. L’analyse de Gaye (2005) confirme cette hypothèse.

5L’insécurité alimentaire au Sud-Kivu est le reflet d’une pauvreté qui est un phénomène de masse qui tend à se reproduire et se transmettre d’une génération à l’autre (Lukuli, 2006). La pression démographique, les fluctuations des prix alimentaires et l’insécurité sociopolitique sont parfois citées comme les facteurs à l’origine de l’insécurité alimentaire dans les campagnes. Certains auteurs soutiennent que l’augmentation des prix concerne à la fois les consommateurs urbains pauvres et les ménages agricoles pauvres qui dans la plupart des cas sont devenus des acheteurs nets des produits alimentaires (Barret et Dorosh, 1996 ; Weber et al., 1988). Ce point de vue est aussi soutenu par Verpoorten et al. (2012) qui mettent en évidence que les pauvres qui consacrent une part importante de leur revenu à la nourriture souffrent avec acuité de l’augmentation des prix alimentaires.

6En utilisant une approche basée sur l’accès physique et économique et l’utilisation, cet article montre que le niveau élevé d’insécurité alimentaire dans les villages étudiés est non seulement le reflet des problèmes liés à la production alimentaire, mais aussi à un manque général de moyens de subsistance. Il est donc soutenu que l’agriculture à elle seule ne peut pas résoudre la situation de vulnérabilité des ménages dans la zone d’étude.

Le concept de sécurité alimentaire

7Les concepts de sécurité alimentaire ont évolué avec le temps (Weingartner, 2005). Ces concepts ont changé de terminologie selon les points de vue exprimés par différents auteurs au cours des dernières décennies. Ceux-ci ont été bien résumés dans plusieurs publications (Hall, 1998 ; Shetty, 2006 ; Shaw, 2007). Avec le succès de la révolution verte qui a accru la production alimentaire et la disponibilité des aliments dans de nombreuses parties du monde, principalement en Asie et en Amérique latine, la prise de conscience de la vulnérabilité persistante de communautés spécifiques due à la baisse du pouvoir d’achat a fait que la notion de sécurité alimentaire s’est élargie pour inclure l’accès physique et économique à la nourriture. Par la suite, la définition de la sécurité alimentaire a été modifiée pour intégrer l’accès de tous à tout moment, à une nourriture suffisante pour une vie saine et active (Campbell, 1991). Au cours de ce processus d’évolution, le concept de la sécurité alimentaire a été élargi au-delà des notions de l’approvisionnement alimentaire ou de la disponibilité pour inclure l’accès, la stabilité et la durabilité.

8Depuis les années 1990, la primauté de la réduction de la faim et la malnutrition dans le programme de développement et la reconnaissance du droit humain à une alimentation adéquate et de la nutrition ont été affirmées au niveau international. Ainsi, la réduction de la faim et de la malnutrition a été de plus en plus considérée dans le contexte du développement global, la réduction de la pauvreté et la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement. La FAO (2000) définit l’insécurité alimentaire comme une situation qui existe lorsque les gens n’ont pas un accès sécurisé à des quantités suffisantes de nourriture saine et nutritive pour la croissance normale et un développement d’une vie saine et active ». Ainsi, l’insécurité alimentaire peut être le résultat de l’indisponibilité des aliments, d’un pouvoir d’achat insuffisant, d’une mauvaise répartition, ou d’une utilisation inadéquate des nourritures au niveau des ménages.

9Le concept de sécurité nutritionnelle est peut-être plus large que la sécurité alimentaire puisque le terme « nutrition » inclurait aussi l’utilisation biologique (Gross et al., 2002). Ainsi, d’un point de vue nutritionnel, l’utilisation adéquate renvoie à la capacité du corps humain d’absorber et de métaboliser les aliments. Des nourritures nutritives et sûres, un environnement adéquat biologique et social, et une nutrition appropriée assurent une utilisation adéquate des aliments. Celle-ci, à son tour, contribue à promouvoir la santé et prévenir les maladies. L’UNICEF (1990) considère que pour une bonne compréhension de la sécurité nutritionnelle, il est nécessaire de s’imprégner du niveau de la malnutrition dans le milieu d’étude. Dans les pays en développement, les maladies infectieuses comme la diarrhée et les infections respiratoires aiguës sont responsables de la plupart des problèmes de santé liés à la nutrition.

10Par conséquent, une bonne nutrition et l’état nutritionnel c’est-à-dire la sécurité nutritionnelle sont à la fois une fonction de l’apport alimentaire et du statut sanitaire. Weingartner (2005) présente la nécessité d’intégrer la nutrition dans la sécurité alimentaire. La sécurité nutritionnelle est plus que la sécurité alimentaire. L’analyse de la nutrition ajoute des exigences physiologiques aux différents nutriments et les déterminants de leur biodisponibilité ainsi que les aspects pratiques de soins, les services de santé et l’environnement sanitaire. Pour utiliser les termes de Quisumbing et al. (1995) et Franckenberger (1992) (repris par Maxwell (1995)), la sécurité nutritionnelle peut sans doute être définie comme « un état nutritionnel adéquat en termes de protéines, d’énergie, de vitamines et de minéraux pour tous les membres du ménage, en tout temps ». Bien que cette définition illustre la prise en compte de besoin en nourriture pour assurer un approvisionnement adéquat ou optimal de ces nutriments dans l’alimentation c’est-à-dire les besoins physiologiques, d’autres définitions de la sécurité nutritionnelle mettent l’accent sur l’individu vulnérable et ses besoins liés aux facteurs non alimentaires. Swaminathan (2008) défini la sécurité nutritionnelle comme, l’accès « physique, économique et social à une alimentation équilibrée, l’eau potable, l’hygiène de l’environnement, aux soins de santé primaire et l’éducation primaire ». Cette dernière définition de la sécurité nutritionnelle implique à la fois des facteurs alimentaires et non alimentaires. Par conséquent, la sécurité alimentaire et la nutrition intègrent ces deux cadres conceptuels.

Méthodologie

11Les données utilisées dans cet article proviennent d’une étude approfondie dans la province du Sud-Kivu en République Démocratique du Congo. L’étude a été menée sur une période de deux mois, allant de janvier à février 2012, dans les territoires de Kabare et Walungu. Ce travail est intégré dans le projet régional sur la bonne gouvernance des ressources naturelles collectives, appuyé par le Centre de recherche pour le développement International (CRDI).

12Compte tenu de l’importance de l’étude et des contraintes de budget, l’enquête a été circonscrite aux zones écogéographiques situées dans les milieux ruraux. La méthodologie appliquée à l’enquête procède par un sondage probabiliste à deux degrés avec comme unités primaires les villages issus des strates et comme unités secondaires les ménages issus des villages sélectionnés. L’univers statistique est constitué par la zone agroécologique au niveau de laquelle se font le choix des unités d’enquête et les calculs d’extrapolation des données. Dans l’étude, chaque groupement constitue une strate. L’étude retient ainsi 4 strates que sont : Ikoma, Kamanyola, Bugobe et Nyangezi.

13Dans chaque strate, les unités primaires, à savoir les villages, furent sélectionnées de manière aléatoire sur base de la liste consultée au niveau du groupement qui les répertorie. Dans chaque village retenu, tous les ménages ont la même probabilité d’apparaitre dans l’échantillon à condition d’avoir au moins un enfant. L’unité primaire d’analyse est le ménage en tenant compte des différences intraménage dans l’accès aux ressources et la prise de décision. Une combinaison de méthodes quantitatives et qualitatives a été utilisée pour recueillir les données. La taille de l’échantillon est de 300 ménages et il est réparti de manière équivalente dans les quatre groupements retenus. Les répondants ont été sélectionnés parmi tous les quatre points cardinaux des villages dans lesquels une technique d’échantillon aléatoire a été utilisée.

14L’enquête a étudié les caractéristiques de base des ménages en termes démographiques, de la dotation en ressources, des activités économiques, des indicateurs de sécurité alimentaire, de la richesse, des perceptions au niveau macro des processus et des procédés des moyens d’existence. L’enquête qualitative a utilisé la méthode d’évaluation participative en milieu rural impliquant des discussions en focus group (10 personnes par groupement) et comprend quatre parties à savoir : l’identification du village, les infrastructures communautaires du village, le focus group sur la sécurité alimentaire du village, le focus group sur la gestion des risques et les stratégies de réactions. Le but principal de la recherche qualitative a été d’avoir une compréhension en profondeur des attitudes et l’historique sur la vulnérabilité alimentaire des communautés, des pratiques et des besoins. Il est également prévu que grâce à cette méthode de questions relatives aux obstacles à la performance alimentaire serait établi. Le questionnaire ménage est administré dans la concession du ménage échantillonné en présence du chef de ménage et de son/ses épouse(s). Mis à part les réponses en provenance du chef de ménage ou de son épouse, les chercheurs ont également eu des discussions informelles avec d’autres membres du ménage pour recueillir plus d’informations qui pourraient être utilisées pour expliquer les résultats. Un tirage aléatoire a été fait pour sélectionner les villages dans les groupements et les ménages dans les villages. Le premier ménage enquêté de part et d’autre doit être espacé par trois autres pour couvrir tout le village. Les données ont été saisies sur une maquette développée sous Excel, et récupérées sous format SPSS et STATA 11. Afin d’assurer une bonne exécution, des contrôles de cohérence interne ont été effectués pendant toute la durée de la saisie. Dans le but de comprendre la population étudiée à partir des données collectées sur l’échantillon, une analyse exploratoire des données récoltées est faite à l’aide de la statistique descriptive (moyenne, médiane...) et des tableaux de synthèses pour nous permettre de ressortir les différentes caractéristiques des ménages.

  • 1 Cette question est tirée du questionnaire sur l’insuffisance alimentaire développé pour the Third N (...)

15Afin d’estimer la probabilité que certaines variables propres à un ménage affectent son état alimentaire ; une régression logistique multiple est faite avec comme variable dépendante ; l’insuffisance alimentaire qui entraine l’insécurité alimentaire. En référence au Cycle 2 de la NPHS ; cette variable est saisie par une question à trois points. Il est demandé aux enquêtés si durant les 12 derniers mois, il y a eu des fois où leurs ménages a manqué de nourritures et/ou d’argent pour acheter la nourriture. (a. Souvent, b. Quelquefois, c. Non)1 Ceux qui répondent par l’affirmatif (a et b) sont considérés comme étant en état d’insécurité alimentaire l’année passée (Vozoris et Tarasuk, 2003 ; Tarasuk, 2001 ; Maxwell, 1995 ; Hesselberg et Yaro, 2006) et sont ensuite questionnés sur les raisons qui les ont conduits à cet état et s’ils ont reçu une aide de quelque part. Cette variable devient donc dichotomique et prend 1 si le ménage a répondu par l’assertion a ou b, et elle prend 0 si le ménage a répondu par l’assertion c.

16Les variables indépendantes quant à elles concernent le niveau de production agricole représentant la quantité produite en kg des différentes cultures par saison culturale. Le cheptel du ménage : variable dichotomique, représente la possession ou non d’animaux domestiques dans/par le ménage. Elle prend 1 si le ménage a un cheptel, 0 si non. Le niveau de revenu du ménage est saisi à partir des dépenses de consommation. Ces dépenses étant effectuées mensuellement par le ménage. Le niveau alimentaire du ménage représente le nombre de repas dans le ménage par jour. La contribution des différentes sources de revenus : Sources secondaires de revenu est une variable dichotomique. Elle prend la valeur 1 si le ménage a une autre source de revenus que la source principale et 0 si non. Le nombre des biens produits est représenté par le nombre des cultures produites par le ménage par saison.

17La possession des actifs échangeables : par bien échangeable, nous considérons les biens de consommation courante possédés par le ménage : Motos, radio, téléphone…), la maladie du cheptel : variable dichotomique, qui prend 1 si le ménage a connu de mort de cheptel pour cause de maladie et 0 si non. La quantité vendue représente la différence entre la quantité produite et celle consommée et stockée. La durée de stock représente le nombre des mois que le stock est consommé dans le ménage. Le statut du champ représente la propriété du champ. Cette variable est dichotomique, elle prend 1 si le ménage est le propriétaire du champ qu’il cultive et 0 si non. Le niveau des prix représente le niveau des prix des produits agricoles sur le marché saisis du point de vue du ménage à partir d’une question à trois points dont : élevé, identique et bas.

Profil des villages enquêtés

18Les communautés des zones étudiées ont une histoire d’insécurité alimentaire même avant la colonisation. Elles ont aussi une longue tradition d’actions collectives, individuelles et de réciprocité, soutenue par le pouvoir coutumier pour se protéger contre toute forme de famine et d’extrême pauvreté. Les communautés ne les faisaient pas tout simplement pour des raisons de bienveillance envers leur prochain. C’est sur ces bases qu’elles testaient leur capacité à améliorer la sécurité alimentaire des familles. On signale que dans les zones étudiées il ya plusieurs années, les populations avaient entrepris un mode de solidarité basé sur la création des greniers (Nguli) et d’aides réciproques de telle sorte que les nourritures soient disponibles à la fois aussi bien pendant les périodes des bonnes que des mauvaises récoltes. Par exemple, le lait était distribué aux familles qui n’avaient pas des vaches et/ou dont les vaches étaient en gestation (Munzihirwa, 1978 ; Mufungizi, 2003). Le système de distribution de lait était un mécanisme intermédiaire qui débouchait sur un crédit vache appelé « le Bugabe ». Alors que la distribution du lait pourrait être considérée comme un secours d’urgence qu’on peut apparenter à l’aide d’urgence des organismes humanitaires pour lutter immédiatement contre l’insécurité alimentaire, le « Bugabe » renvoie lui à un mécanisme de développement permettant de soutenir la sécurité alimentaire sur le long terme. De même, un mécanisme de solidarité existait entre les familles qui se faisaient des aides et des dons en nourritures pendant les périodes de rareté créées par des guerres ou des calamités naturelles.

19Grâce à ces systèmes de solidarité, qui tendent à disparaître à cause du développement du droit moderne et de l’individualisme, les zones étudiées étaient prospères et entretenaient leur sol grâce au fumier tiré de leurs bêtes. Les données fournies par le CNKI (Comité national du Kivu) citées par Nkunzi (2005) soutiennent notre réflexion en montrant que, déjà en 1928, les collectivités chefferies de Ngweshe et de Kabare comptaient à elles seuls 53000 bovidés sur 80000 que comptait l’ensemble du district du Kivu.

20Les différentes études (Vis, 1975 ; Dupriez, 1980 ; 1987) qui ont été effectuées dans la région montrent que les populations y vivaient sous un régime économique proche de l’autosubsistance. Vis (1975) relève que deux modules alimentaires très simples existent. Le premier est celui de basse altitude et est caractérisé par quatre aliments principaux à savoir : les haricots, les patates douces, le manioc, les bananes et la bière de banane. Le manioc et la patate douce représentent 50 % de l’apport énergétique total. Le second module est celui des régions de haute altitude avec comme aliments principaux les légumineuses, les céréales et finalement la pomme de terre.

21Dans l’ensemble, le système économique est encore fort proche de celui d’un régime d’autosubsistance. Ce sont les produits venant des champs familiaux qui forment la quasi-totalité des apports alimentaires. Il n’y a presque pas de réserves car les techniques de stockage sont peu élaborées. Tenant compte de ces points relevés ci-haut il y a lieu d’affirmer avec Kingombe Wa Kingombe (2003) que ce régime alimentaire n’améliore pas l’état nutritionnel du ménage étant donné qu’une ration alimentaire insuffisante qui provient d’aliments non riches ne peut pas couvrir les besoins de l’organisme.

22Dans les zones d’étude comme dans la plupart des pays en développement, les agriculteurs produisent pour la subsistance et sont confrontés à une diminution très sévère de la productivité par hectare pour toutes les cultures, à une dégradation et une baisse de la fertilité des sols ainsi qu’à une faible participation au marché et souffrent d’une période sans croissance (Masawe, 1992 ; Bucekuderhwa et Ngendakuriyo, 2011 ; Doss, 2006).

23En outre, les agriculteurs sont peu intéressés à l’apprentissage des techniques de production. L’utilisation de semences améliorée est en baisse à cause du programme d’ajustement structurel qui avait supprimé tous les subsides que l’État octroyait aux agriculteurs, mais également pour des raisons d’organisation interne du système de vulgarisation des connaissances. En outre, les inputs qui existent doivent être complétés par le développement des technologies intermédiaires et appropriées pour améliorer les rendements du travail.

24De cette situation découle une aggravation de la pauvreté de la population rurale ultérieurement compromise par une hausse des prix qui érodent le pouvoir d’achat de la population. D’après le PAM (2005) le revenu par habitant qui était de 286 $ par an en 1960 est passé à 80 $ par an en 2000. L’UNICEF (2005) souligne que 80 % de la population de la RDC vivent en deçà du seuil de pauvreté et dépense moins de 0.5 $ par personne/jour. En plus, l’Indice du développement humain place la RDC au bas de l’échelle. La RDC a le taux le plus élevé de malnutrition au monde. C’est dans ce contexte de pauvreté que nous évaluons l’ampleur de l’insécurité alimentaire à laquelle font face les paysans dans quatre groupements du Sud-Kivu. Le tableau 1 présente les caractéristiques de la population enquêtée. Il en ressort que la taille de ménage est de 7 personnes en moyenne. La dispersion des valeurs autour de la moyenne est forte pour un coefficient de variation de 48 %. La taille du ménage varie entre 1 et 30. Le revenu perçu par ménage est de 54,7 $ US (le taux de change déclaré par les ménages enquêtés était de 1 $ US = 900 francs congolais DCF). Le revenu monétaire de notre échantillon varie entre 2 $ US pour le ménage pauvre et 500 $ US pour le ménage stable. Le coefficient de variation qui est de 85 % traduit l’accès économique difficile à la nourriture des ménages dans les zones d’étude et par conséquent il n’est pas facile pour un ménage de 7 personnes de se procurer la nourriture aux marchés sachant que le revenu agricole est sujet à des fluctuations. L’âge moyen du chef de ménage se situe à 40 ans, avec un minimum de 17 ans et un maximum de 80 ans traduisant une hétérogénéité au sein de la population enquêtée. La superficie des champs pose un sérieux problème, elle est en moyenne de 1,54 ha d’étendue cultivée dans la zone d’étude.

25La plupart des ménages ne peuvent pas produire à la fois pour la consommation et la vente. En considérant la médiane, il y a lieu de conclure à une répartition inégale des terres. La conséquence liée à l’exigüité des terres est que les fluctuations des rendements des petits exploitants sont importantes. La comparaison entre la consommation moyenne par ménage (215,9 $) et la médiane (120 $) montre que l’inégalité est très forte, conduisant aux conclusions selon lesquelles le nombre des populations qui vivent avec moins de 1 $ par jour est élevé. Ces données permettent d’illustrer l’intensité de l’insécurité alimentaire dans les territoires de Walungu et Kabare.

26Notre population est constituée pour la plupart des personnes qui n’ont aucun niveau d’instruction. 35 % de la population ne sait ni lire ni écrire, 36 % n’ont fait que le cycle primaire contre 27 % ayant fréquenté l’école secondaire. Enfin, 2 % ont une formation supérieure incomplète. Les femmes chefs de ménages constituent 40 % de notre échantillon. Nos données révèlent aussi que 79,3 % de la population de notre échantillon sont mariés, 11 % sont veufs (ves), 3,7 % et le reste célibataires.

Tableau 1. Variables socio-économiques des ménages

Mesures

TM

Rev Mon

Sup

Age

Dette

Cons

Transf

Stock

Nb/enf

Enf/Maln

Nbre/Cult

Moyenne

7

54,73

1,54

40

142,6

215,5

513,42

192,5

2

0,35

5

Médiane

7

45,33

1

38

50

120

10

125

2

0

5

Max

30

500,00

10

80

1100

1200

3500

400

7

5

7

Min

1

1,67

0

17

6

20

2

90

0

0

1

Écart Type

3,37

46,57

1,9

12,9

269,7

251,5

1317

133,2

1,29

0,84

CV

0,48

0,85

1,23

0,33

0,56

0,86

0,39

1,46

76

240

CV : coefficient de variation ; TM : Taille du ménage ; Rev. Mon. : Revenu monétaire ; Sup : Superficie ; Cons : Consommation ; Transf. : Transfert reçu ; Nbre/Enf : nombres d’enfants ; Enf/Maln : enfants malnutris et Nbre/Cult : nombre des cultures pratiquées.

27Les données sur les caractéristiques de l’habitation rapportent que 51 % sont en terre et/ou en chaume, 40 % sont en tôles contre 9 % en matériaux durables. Les 100 % des ménages ont des toilettes non aménagées et la plupart ne respectent pas les normes sanitaires et environnementales. En ce qui concerne l’accès à l’eau potable, 54 % des ménages utilisent de l’eau qui provient des sources non aménagées, 29 % des puits ou des robinets contre 16 % qui utilisent l’eau des sources aménagées. Ici le problème n’est pas le lieu de la provenance de l’eau, mais c’est surtout la manière dont les sources sont aménagées, l’eau est traitée et conservée.

28Une étude sur l’accès à l’eau et à la sécurité alimentaire à Walungu montre que les ménages sont souvent en insécurité alimentaire non seulement à cause de manque de nourritures, mais aussi à cause des maladies d’origine hydrique (Kalita, 2012). Les ménages sont aussi confrontés au problème de cuisson, un seul ménage utilise l’électricité pour cuir et les autres ont recours au charbon des bois et/ou au bois traduisant une pression sur la forêt et le boisement. Ce qui est une menace à l’environnement étant donné que ceux qui utilisent le bois ne sont pas nécessairement ceux qui se préoccupent du reboisement.

29En s’appuyant sur Mérino (2009), l’insécurité alimentaire dans la zone d’étude révèle trois composantes fortes. Tout d’abord, une malnutrition chronique, étroitement liée à la pauvreté et au sous-développement qui caractérise les milieux. Le développement du risque alimentaire lié à des incertitudes climatiques et un déséquilibre entre les besoins et les ressources causées notamment par l’érosion du sol et enfin, on assiste à une multiplication des famines et à une instrumentalisation plus générale de la faim.

Activités pour la survie des ménages dans les villages d’étude

30Les ménages dans les villages d’étude sont impliqués dans les activités agricoles et non agricoles. Le caractère rural et périphérique de la zone d’étude fait que l’agriculture (cultures et élevage) est la principale source des moyens d’existence les plus importants pour environ 64 % des répondants. La prédominance de l’agriculture conduit les paysans dans une vulnérabilité qui aboutit au paradoxe selon lequel « plus un pays compte d’agriculteurs, plus il souffre de la faim » (Burnel (2004) cité par Mérino (2009)). Le secteur agricole comprend l’agriculture, l’élevage, le boisement, la culture des légumes dans les marais. Bien que 84 % des ménages soient impliqués dans les activités agricoles, seule une moyenne de 75 % compte sur les activités agricoles au cours de l’année. Ceci met en rapport le caractère pluriactif de la population de la zone d’étude et la nécessité de considérer l’importance des revenus non agricoles dans les moyens d’existence des paysans.

31Les emplois salariés, le travail occasionnel, la petite entreprise et l’artisanat sont les activités non agricoles génératrices de revenus recensées dans la zone d’étude. Ces activités concernent 16 % de nos enquêtes. Les discussions en focus group rapportent que les activités non agricoles varient en fonction des saisons culturales, indiquant une diversification des activités saisonnières. Pour tous les ménages enquêtés, la sécurité de leurs moyens d’existence dépend de l’agriculture plutôt que de l’élevage. Les aléas climatiques (sécheresse à Kamanyola et érosion dans les autres groupements) et la location des terres font que le sous-secteur agricole est fragile.

32Il y a lieu de constater que le travail agricole seul ne permet pas de subvenir aux besoins des ménages. La pression démographique, la demande du marché et le changement culturel se traduisent par des phénomènes d’adaptation des pratiques agricoles et par des relations de fidélité entre les ménages pour pérenniser des moyens d’existence fragiles.

Tableau 2. Moyens d’existence des ménages

Activité principale

Effectifs

 %

Source principale des revenus

Effectif

 %

Agriculture

223

74,3

Travail agricole

192

64,0

Commerce

23

7,7

Emploi salarié

27

9,0

Salarié

16

5,3

Travail occasionnel hors ferme

20

6,7

Artisanat

14

4,7

Petite entreprise

19

6,3

Élevage

10

3,3

Élevage

17

5,7

Bucherons

4

1,3

Artisanat

11

3,7

Travail occasionnel

10

3,3

Transferts

9

3,0

Bucheron

5

1,7

Total

300

100

300

100

33Plusieurs ménages ont vu aussi les membres de leur famille migrer vers les villes et les zones minières, conduisant à une raréfaction de la population active dans les villages. La prévalence des chocs environnementaux, les sources économiques et culturelles incertaines, les problèmes sociopolitiques contribuent à la vague de migration élevée. La migration sélective des membres du ménage est une des principales caractéristiques de la migration au sein des ménages. Les jeunes de Bugobe par exemple ne sont pas en mesure de faire usage de leurs compétences dans le domaine agricole en raison de la piètre performance économique et le manque de possibilités agricoles. La migration vers les centres urbains (Bukavu et d’Uvira) et miniers (Mwenga, Shabunda et Misisi) est une possibilité qui s’offre à eux pour faire usage de leurs compétences et pour s’aider eux-mêmes et aider leurs propres familles.

34Les maçons, les menuisiers, les creuseurs miniers artisanaux, les domestiques et les vendeurs ambulants font partie de ce groupe de migrants. Pendant les périodes où les paysans ne sont pas très occupés, certains s’adonnent aux activités non agricoles en ville pour diversifier leurs moyens d’existence. Ce genre de travail leur permet d’acheter du petit bétail nécessaire pour la production de l’engrais organique et pour faire face aux besoins courants comme les soins de santé et les frais scolaires. L’enquête montre que 10 % des répondants sont impliqués dans le travail occasionnel. Cependant, environ 3 % des ménages de l’échantillon considèrent les transferts des membres de leurs familles vivant en ville et/ou travaillant dans les mines, comme leurs sources principales des revenus. Le faible niveau du revenu issu des transferts est lié à l’incapacité des migrants à trouver de l’emploi rémunérateur et stable dans le milieu d’accueil. Une étude menée par Ntibonera (2012) montre que la migration rurale-urbaine crée à la fois l’insécurité alimentaire pour la famille et pour le migrant lui-même au lieu de la résoudre. Ainsi, les actifs pauvres et aléatoires entrainent l’économie du ménage dans un déséquilibre sans précédent et trop souvent compromettent les possibilités d’adaptation des moyens d’existence non durables à cause de la vulnérabilité ou de la pauvreté structurelle.

35Les ménages enquêtés estiment aussi que les prix des produits agricoles ne cessent d’augmenter sur le marché. Les fournisseurs ont tendance à exagérer dans la fixation des prix, surtout en période de soudure. Les différents chefs de ménages estiment que chaque fois qu’ils se rendent au marché, ils se trouvent incapables de se procurer ce qu’ils désirent. Souvent, les prix de réservation ne sont pas ceux qu’on rencontre au marché et les produits qu’on cherche ne sont pas toujours disponibles alors que la production domestique ne couvre qu’à peine 50 % des besoins alimentaires du ménage.

  • 2 Kalinzi : contrat d’occupation de terre passé entre avec un propriétaire terrien dans le système tr (...)
  • 3 Bugule : Mot qui désigne « achat de terre » dans le système traditionnel d’acquisition des terres c (...)
  • 4 Bwasa : contrat de location des terres pour des fins agricoles

36En plus des problèmes liés au marché des produits, l’accès à la terre et aux autres actifs est aussi l’une des difficultés auxquelles sont confrontés les ménages de la zone d’étude (tableau 3). Les quatre groupements qui constituent notre zone d’enquête observent une inégalité quant à l’accès aux actifs productifs. Seuls 51 % des répondants possèdent une terre en Kalizi2 à Bugobe contre 35 % à Nyangezi. On constate partout la prédominance des terres en Bugule3 à l’exception de Nyangezi ou c’est le contrat de location (Bwasa4) qui domine. Les autres actifs ne sont pas non plus équitablement répartis. Le nombre des personnes disposant d’une poule a sensiblement diminué à cause de la guerre qu’a connue la région. Il en est de même pour le gros et le petit bétail. Des objets pouvant servir comme moyen d’échange contre la nourriture pendant les périodes difficiles comme celle de soudure sont aussi rares. Ainsi, le nombre des ménages pouvant se prémunir contre le risque d’insécurité alimentaire est très réduit à cause de la pauvreté généralisée dans les milieux ruraux dus en partie à une faible productivité et une détention d’actifs réduits ne permettant pas de diversifier les moyens d’existence. De même, l’irréalité de marché pénalise les revenus paysans surtout ceux produisant des cultures de rente.

Tableau 3. Détention d’actifs et autres objets valeurs

BUGOBE

IKOMA

KAMANYOLA

NYANGEZI

Actifs/Objets

 %

 %

 %

 %

Radio

54 %

61 %

62 %

48 %

Velo

4 %

5 %

4 %

29 %

Moto

1 %

3 %

1 %

1 %

Téléphone

37 %

55 %

45 %

36 %

Cobaye

38 %

40 %

36 %

1 %

Poules

29 %

49 %

28 %

27 %

Vaches

30 %

25 %

30 %

8 %

Moutons

18 %

9 %

10 %

1 %

Chèvres

54 %

56 %

36 %

32 %

Porc

6 %

24 %

16 %

8 %

Kalinzi

51 %

45 %

42 %

35 %

Bwasa

20 %

47 %

28 %

90 %

Bugule

52 %

64 %

71 %

44 %

État de l’insécurité alimentaire dans les villages sous étude

37L’état de l’insécurité alimentaire est évalué dans les villages sous étude grâce à deux proxi d’indicateurs à savoir : la richesse par habitant et les nombres des repas pendant la période de soudure. La richesse par habitant est générée à partir de la richesse agrégée en tenant compte des actifs agricoles et non agricoles, mais ne comprend pas le transfert des fonds. Obtenir les informations sur la richesse n’était pas aussi problématique que les enquêtes sur les revenus et les dépenses. Ceci parce que les indicateurs de richesse ont été capturés par les différentes questions sur les actifs que possèdent les répondants, qui sont par la suite agrégées pour produire la richesse totale des ménages. Les indicateurs des richesses étaient constitués par les objets physiques disponibles au sein du ménage qui peuvent être comptabilisés. La richesse sous forme d’actifs, bien que souvent soutenue comme non lié à l’accès à la nourriture, a été jugée importante dans la capacité des ménages à acquérir de la nourriture dans des situations de mauvaises récoltes (focus group).

38La classification de la sécurité alimentaire est basée sur l’étude d’Oshaug (1985) cité par Hesselberg et Yaro (2006) regroupant entre autres des ménages fragiles, résistants et stables. Les ménages stables sont ceux qui maintiennent la sécurité alimentaire des ménages d’une manière continue. Ils disposent entre 7 et 11 actifs et objets de valeur énumérés dans le questionnaire d’enquête et lors du focus group. Les ménages résistants subissent des chocs, mais récupèrent très rapidement. Ces ménages comptent entre 3 et 6 actifs et objets des valeurs ont été considérés comme résistants. Les ménages fragiles sont ceux exploitant des terres en location et ne possédant des actifs et qui varient entre 0 et 3 actifs et objets de valeurs. Dans le tableau 4 il y a lieu de conclure qu’il se pose un problème d’insécurité dans la mesure où plus du ¾ de la population de notre analyse sont classés comme ménages fragiles. Ces résultats convergent avec les conclusions de Mérino (2009) qui relèvent dans son étude que 75 % des malnutris vivent dans le milieu rural en Afrique subsaharienne. En général, les ménages enquêtés paraissent vulnérables en considérant toutes les options de l’analyse de la sécurité alimentaire couramment utilisée. Une comparaison entre la détention d’actifs et le revenu montre que l’insécurité alimentaire est très prononcée lorsqu’on considère le revenu du ménage. Le revenu a été calculé en tenant compte de toutes les dépenses du mois passé.

Tableau 4. Classement des ménages en insécurité alimentaire selon la détention d’actifs

Classification

Kamanyola

Nyangezi

Bugobe

Ikoma

Total

 %

Ménages fragiles

50

55

47

51

203

68

Ménages résistants

13

11

19

8

50

17

Ménages stables

12

9

9

16

46

15

Total

75

75

75

75

298

100

39Partant de cette classification, Nyangezi compte un plus grand nombre de foyers fragiles, suivie par Bugobe, Kamanyola et Ikoma en tenant compte de la détention d’actifs et autres objets de valeurs (Tableau 5). En tout, 67,7 % des ménages de notre échantillon ont été recensé être en insécurité contre 17 % qui peuvent à tout moment tomber où échapper de l’insécurité alimentaire. Seulement 15,3 % des répondants peuvent être considérés comme étant en sécurité alimentaire si l’on tient compte de la détention d’actifs. Ainsi, le manque en actifs est une cause qui handicape la sécurité alimentaire des ménages dans les milieux ruraux. Siegle (1999) estime à ce sujet que la détention d’actifs est un potentiel qu’a le ménage pour assurer sa sécurité alimentaire.

Tableau 5. Classement des ménages selon le revenu mensuel

Classification

Kamanyola

Nyangezi

Bugobe

Ikoma

Revenu

 %

Ménages fragiles

59

65

64

59

247

82 %

Ménages résistants

10

7

5

11

33

11 %

Ménages stables

6

3

6

5

20

7 %

Total

75

75

75

75

300

100 %

40En considérant la classification selon le revenu, il y a lieu de noter que la vulnérabilité s’accentue au sein de la population enquêtée. Environ 82 % des répondants sont en insécurité alimentaire, 11 % sont considérés comme ménages résistants et seulement 7 % sont des ménages stables. Une des conséquences de la faiblesse des revenus des ménages est qu’ils sont incapables de subvenir aux besoins de première nécessité. De même, la faiblesse des revenus réduit les possibilités de choix et maintient les paysans dans un cercle vicieux de pauvreté qui se perpétue de génération en génération.

41Si l’on tient compte du nombre de repas pris par jour par un ménage enquêté, c’est plutôt à Bugobe que l’on compte un plus grand nombre des ménages fragiles. Bugobe compte plus de gens qui souffrent de manque d’aliments avec 78 % des ménages qui n’ont qu’un seul repas par jour. Pour Ikoma, 58 % de la population de notre échantillon mangent une seule fois par jour, de même 56 % de la population connait cette situation à Kamanyola. Seul Nyangezi a moins de 50 % de la population qui n’ont qu’un seul repas (45 %) (Tableau 6).

Tableau 6. Fréquence de repas dans les milieux sous étude

Fréquence de repas dans les groupements

Nbre de fois

Kamanyola

Nyangezi

Bugobe

Ikoma

Total

Total ( %)

3

2

1

1

3

10

3 %

2

30

40

15

28

115

38 %

1

43

34

59

44

181

60 %

Total

75

75

75

75

300

100 %

42Avec ces résultats, il y a lieu d’affirmer que la détention des actifs et de biens de valeur n’est pas synonyme d’accès à la nourriture. La variable fréquence de repas donne une image sur la situation alimentaire des ménages, car il inclut implicitement les revenus issus des transferts et d’autres sources du réseau familial. Mais le problème avec cet indicateur est qu’il n’est pas nécessairement en corrélation avec l’apport calorique en raison de la possibilité de remplacer les aliments à coûts élevés par les aliments à coût faible. Les discussions en focus groups ont permis d’identifier différents types d’aliments jugés importants en termes de besoins énergétiques. Trois repas par jour ont été considérés comme base nutritionnelle normale, mais seulement 2 % des répondants ont affirmé manger trois fois par jour pendant toute l’année. Toutefois, les participants ont convenu que compte tenu des variations saisonnières, deux repas par jour devraient être considérés comme adéquats pour définir la sécurité alimentaire, car il est nutritionnellement adéquat pour garantir les niveaux requis d’énergie pour les activités domestiques et la santé. En effet, dans les milieux ruraux, la tendance générale est de manger le matin avant d’aller au champ et le soir avant de dormir. Malheureusement, c’est seulement 38 % de la population qui a affirmé manger deux fois par jour. Sur cette base de fréquence des repas, 60 % de notre échantillon souffre d’insécurité alimentaire, car mangeant seulement une fois par jour. Ce pourcentage pourrait augmenter si l’on intègre l’aspect diversité des aliments consommés comme indicateur de sécurité alimentaire. Une des approches proposées par le programme alimentaire mondial (PAM, 2008 ; 2010) pour cerner certains aspects de l’insécurité alimentaire porte sur la construction des scores de consommation. Les scores de diversité sont obtenus en additionnant le nombre d’aliments ou des groupes d’aliments consommés pendant une période de référence (FAO, 1999). Lorsqu’ on examine cette variable, on observe que le régime alimentaire des répondants durant la dernière semaine avant le jour de notre enquête est généralement composé des tubercules et féculents (manioc, patate douce…), des céréales (maïs, sorgho…), des légumineuses (haricots,) et des légumes (Figure 1).

Figure 1. Diversité alimentaire des ménages

Figure 1. Diversité alimentaire des ménages

43Les ménages de notre échantillon consomment rarement des fruits et la viande, le lait, les œufs et le poisson interviennent de façon substantielle dans leur alimentation. Ces résultats convergent avec ceux de Vis (1975) sur la région des Grands lacs africains et Nnakwe et Yegammia (2002) en Inde. Rares aussi sont les ménages qui mangent du pain et qui prennent du thé et/ou du café. Les régimes alimentaires varient selon les saisons et certaines nourritures ne sont disponibles qu’en quantité limitée. L’absence de l’une de ces nourritures place les ménages dans une situation d’insécurité alimentaire.

44Sur le graphique, on constate que la consommation de viande est élevée. En réalité cette représentation est trompeuse. En effet, pendant les enquêtes, une maladie décimait le petit bétail à Bugobe. La plupart des ménages ayant investi dans l’élevage des lapins, beaucoup des ménages abattaient même jusqu’à trente têtes et se les partageaient avec les voisins les plus proches.

45Si l’on tient compte de la dépense alimentaire mensuelle du ménage (Tableau 7), il y a lieu de constater que c’est à Kamanyola et Nyangezi qu’on recense les ménages les plus fragiles avec 20 % et 18 % des répondants qui ont un revenu mensuel inférieur à 30 $ US. Bugobe et Ikoma comptent plus des ménages résistants avec dans l’ordre 88 % et 85 % des répondants qui ont une consommation mensuelle comprise entre 30 et 60 $ US. Kamanyola et Nyangezi s’en sortent mieux des ménages que nous pouvons considérer comme stables. Ces résultats convergents avec ceux de Lukuli (2006).

46Le tableau 8 montre que la longueur de la période de soudure détermine aussi l’insécurité alimentaire dans chaque milieu. À Kamanyola par exemple, la population nous a déclaré que la période la plus difficile pour eux commence entre juin et décembre. Durant cette période, la population est confrontée au problème de sécheresse. Pendant les discussions en focus group, les répondants nous ont affirmé qu’ils ne réalisent pas grand-chose comme récolte. Pendant la période de soudure, ils sont obligés de recourir aux actifs et aux objets de valeur pour financer les activités non agricoles et les achats des nourritures. Pendant la période de soudure, la stratégie du ménage est de garantir le minimum possible des repas aux enfants et vieillards étant donné que les enfants doivent aller à l’école et que les personnes âgées et les nourrissons ne peuvent pas faire face au régime de jeûne forcé. Les ménages sont aussi souvent en déficit d’aliments en fonction du nombre des personnes à la charge du chef de ménage. Ainsi donc, la fréquence des repas est souvent divisée par deux pour tous les membres de la famille. L’insécurité alimentaire est répandue dans tous les villages de l’étude en utilisant les deux mesures décrites ci-dessus. Le motif de l’insécurité alimentaire reflète les conditions de vulnérabilité de chaque village. Les paysans sont en insécurité alimentaire à cause du niveau faible de revenu des actifs et du nombre de repas par jour.

Tableau 7. Dépenses alimentaires des ménages

Consommation mensuelle des ménages

 Montant

< à 30 $

> 30$ < 65$

> à 65$

Max ($)

Kamanyola

36

25

14

167

Nyangezi

33

27

15

267

Bugobe

61

12

2

167

Ikoma

59

11

5

150

Total

189

75

36

Tableau 8. Synthèse des maladies des enfants entre juin-décembre 2011

Age

Kamanyola

Nyangezi

Bugobe

Ikoma

Les 4 groupements

Nbre

taux

Nbre

Taux

Nbre

taux

Nbre

taux

Nbre

Taux

Population

3240

100

9474

100

4106

100

3201

100

20021

100

Malnutrition

-5ans

275

8,49

35

0,37

51

1,24

135

4,22

496

2,48

+5ans

71

2,19

20

0,21

1

0,02

34

1,06

126

0,63

Total

346

10,68

55

0,58

52

1,27

169

5,28

622

3,11

Paludisme

-5ans

967

29,85

1198

12,65

624

15,20

167

5,22

2956

14,76

5ans

1119

34,54

1396

14,74

754

18,36

291

9,09

3560

17,78

Total

2086

64,38

2594

27,38

1378

33,56

458

14,31

6516

32,55

Diarhée

-5ans

150

4,63

164

1,73

217

5,28

180

5,62

711

3,55

+5ans

63

1,94

46

0,49

145

3,53

130

4,06

384

1,92

Total

213

6,57

210

2,22

362

8,82

310

9,68

1095

5,47

Amibe

-5ans

38

1,17

78

0,82

62

1,51

10

0,31

188

0,94

+5ans

94

2,90

67

0,71

177

4,31

40

1,25

378

1,89

Total

132

4,07

145

1,53

239

5,82

50

1,56

566

2,83

47L’implication du modèle est qu’une répartition inégale des ressources, même en présence de l’abondance des ressources, conduit à l’insécurité alimentaire comme le montre le cas de Kamanyola. La conséquence directe de l’insécurité alimentaire qui sévit dans le milieu d’étude est que des enfants d’un certain âge souffrent de la malnutrition. Le lien entre l’insécurité alimentaire et la malnutrition a été documenté dans la littérature (Bhattacharya et al., 2004 ; Kirkpatrick et Tarasuk, 2008 ; Gundersen et Kreider, 2009 ; Howard, 2011). L’analyse des données que nous avons recueillies au sein des centres de santé (tableau 7), confirme l’existence d’une relation positive entre la malnutrition dans le milieu d’étude. Dans la zone d’étude, il a été répertorié des enfants de mois de cinq ans qui fréquentent le centre nutritionnel. De même, les maladies les plus fréquentes, par exemple le paludisme, la diarrhée et l’amibe, nous permettent d’affirmer que les populations vivent dans des conditions les plus dégradantes. Le mauvais état nutritionnel des enfants est également conditionné par la situation alimentaire généralement défavorable dans les milieux. Ceci est dû à deux facteurs essentiels : un régime économique proche de l’autosubsistance et une taille de ménage anormalement élevé.

48Le tableau 8 nous montre que c’est à Kamanyola que les enfants souffrent davantage de sous-alimentation suivi d’Ikoma. Nous pouvons donc affirmer sans peur d’être contredit avec les variables que nous avons utilisées que la population de notre échantillon souffre d’insécurité alimentaire chronique à hauteur de 75 % dans les sites retenus par notre étude. Ces résultats convergent avec ceux d’IFPRI (2010) sur les gens qui souffrent de la famine en Afrique et ceux de Human Development Index (World Bank, 2010).

Menaces et capabilités pour la durabilité des moyens d’existence

49La capacité des ménages et leurs membres à assurer la sécurité des moyens d’existence au cours du temps est le résultat d’un ensemble complexe de facteurs tels que les caractéristiques des ménages, les dotations, les relations sociopolitiques, les conditions biophysiques, les processus au niveau macro-économique et les forces politiques. Ces variables
sont analysées ci-dessous. En considérant les conclusions sur les caractéristiques qui déterminent la résistance des ménages, des régressions avec l’état alimentaire des ménages comme variable dépendante ont été exécutées (tableau 9). Une relation négative existe entre le mode de faire-valoir et l’insécurité alimentaire. Ceci s’explique par le fait qu’un arrangement foncier précaire affecte négativement les investissements productifs sur les terres, les ménages n’ayant pas de choix sur la décision des cultures à pratiquer.

Tableau 9. Facteurs déterminants l’insécurité alimentaire dans la zone d’étude

Tableau 9. Facteurs déterminants l’insécurité alimentaire dans la zone d’étude

Source : Travail de terrain, 2012

50Dans la plupart des cas, les agriculteurs ont une restriction sur l’utilisation et le transfert des terres qu’ils cultivent et qui leur ont été allouées par le chef du village ou un quelconque concessionnaire. Par exemple, une caractéristique commune du système de production dans la zone est le contrat de location de terre (le Bwasa) ne dépassant pas une année culturale. Ceci confirme les affirmations des autres études selon lesquelles le changement du mode de comportement dans l’utilisation des terres affecte les efforts de production en agriculture. Le signe de la taille du ménage est conforme à ce qui est observé dans la littérature (Abdulai et Crole Rees, 2001 ; Wouterse et Taylor, 2008), mais n’est pas significatif.

51Le sexe du chef du ménage n’explique pas non plus l’état de sécurité alimentaire, mais présente le signe attendu conduisant au phénomène selon lequel les ménages gérés par les femmes auront tendance à être plus vulnérables à l’insécurité et vice versa. Ceci se justifie par le fait que les hommes accèdent plus facilement aux revenus que les femmes à cause des actifs productifs qu’ils contrôlent et qu’ils gèrent. La variable revenu est significative avec le signe attendu au seuil de 10 %. Cela implique que l’état ​​d’insécurité alimentaire d’un ménage est aggravé par chaque diminution d’une unité du revenu. Cela montre qu’une diminution d’une unité dans les résultats du revenu entraine une probabilité de 0,03 unité pour un ménage de tomber en état d’insécurité alimentaire. Le niveau d’instruction n’est pas significatif dans la zone d’étude. Comme la variable éducation capte seulement l’éducation formelle, elle cache l’importance des compétences. Par ailleurs, une étude menée au Sud-Kivu montre qu’il existe une causalité directe entre l’éducation et la pauvreté et donc l’insécurité alimentaire (Lukuli, 2006).

52Le nombre des repas pris par jour diminue très significativement la possibilité d’améliorer la sécurité alimentaire. Cette variable présente le signe attendu. Le repas familial étant la principale source d’approvisionnement en calorie, il va de soi que plus on mange plus l’apport en calories augmente et donc la probabilité d’échapper à la vulnérabilité à l’insécurité alimentaire augmente.

53La superficie des exploitations est significative dans notre zone d’étude. La relation montre que plus la superficie des champs détenue par un ménage est grande, plus faible sera sa probabilité de tomber dans la catégorie fragile. Environs 54 % de la population de notre échantillon cultivent entre 0 et 1ha, comparés au 31 % qui cultive entre 1,44 et 20 ha. Des ménages ont indiqué un accès inégal à la terre et la complexité des contrats de location en vigueur dans les milieux. Les grandes portions de terre font une différence étant donné que le coût élevé des intrants amène de nombreuses familles pauvres à rationaliser leur utilisation conduisant à de faibles rendements des cultures. L’accès aux marais réduit normalement la probabilité d’insécurité alimentaire et de vulnérabilité. Les paysans ont expliqué que la plupart des cultures commerciales telles que les légumes, le riz, le sorgho et le maïs sont cultivés sur les terres de marais.

54Ces cultures contribuent davantage au revenu, car il existe une demande solvable pour ces produits, bien qu’ils nécessitent des investissements plus élevés. La culture du riz et des légumes avec une technologie moderne conduisent à des rendements et des revenus élevés. Des études menées sur ces cultures confirment ces résultats (Bucekuderhwa, 2006 ; Mufungizi, 2006 ; 2011 ; Lukuli, 2006). Toutefois, comme indiqué dans les entretiens qualitatifs (focus groups principalement), la possession d’une parcelle d’irrigation n’est pas chose aisée, car ces terres appartiennent à quelques agriculteurs relativement riches et aux chefs coutumiers. Et bien que certains paysans pauvres disposent des terres irrigables, leurs conditions de vulnérabilité les empêchent de les exploiter d’une manière optimale.

55L’élevage est une dotation importante comme moyen d’épargne en nature paysanne et de recours que possède le ménage. Ainsi, la capacité d’accéder à une alimentation suffisante est fortement tributaire de la disponibilité du bétail. Plus il y a une diversité du cheptel, plus les options pour la vente sont meilleures, selon la logique des prix. De même, la probabilité de s’engager dans les activités non agricoles est fortement tributaire des revenus provenant de la vente du bétail (Focus group à Kamanyola et Ikoma). La répartition inégale du bétail chez les ménages a des répercussions à la fois en termes d’inégalité de richesse et d’utilisation des ressources environnementales. Le nombre des répondants ne possédant pas du cheptel a été estimé à environ 28 % dans notre échantillon. Le bétail est le premier moyen d’accéder au marché pendant les périodes de crise. La possession des poules, des lapins et les cobayes aident les paysans à faire face à certaines dépenses de faible intensité, mais leur valeur monétaire faible ne garantit pas la sécurité. Les chèvres, les moutons et les porcs s’imposent comme les plus importants animaux pour la prévention structurelle de la vulnérabilité des moyens d’existence, étant donné que leurs valeurs monétaires sont assez élevées. La possession des vaches est assez compliquée, car elle implique parfois la copropriété de toute une famille ou avec un ami. Par conséquent, on ne recourt à la vente des vaches que lorsque les crises se généralisent et que celles-ci tombent malades. Pour mémoire, dans la tradition Shi, posséder une vache procure à son propriétaire un statut social comme l’affirme d’ailleurs Dupriez (1987). Un vieux monsieur d’Ikoma nous a déclaré que celui qui égorgeait sa chèvre ou sa vache pour manger est vu dans la localité comme un voleur. Selon lui, ces genres de bétail servent à pallier les problèmes en cas de situation très difficile. Par exemple, la détention de la vache au sein du ménage permet non seulement de réduire le problème de malnutrition, mais également facilite l’accès au fumier.

56Les répondants ont souligné la complexité de la décision de vente du bétail en tant que facteurs limitant le rôle du bétail dans la sécurité des moyens d’existence. En bref, les cheptels sont une forme d’épargne et d’investissement chez les paysans dans les quatre groupements sous étude et une forme de stratégie spécifique pour lutter contre les risques. Le degré d’adaptation des moyens d’existence grâce à la diversification des activités non agricoles a une contribution importante à la sécurité des moyens d’existence, étant donné que la production agricole ne suffit pas à elle seule pour couvrir les dépenses nécessaires pour la plupart des ménages. Ces activités deviennent importantes dans tous les groupements pendant la période de soudure et dépendent de la détention du cheptel.

57La vente des productions a un effet positif sur la sécurité alimentaire. La vente suppose, soit qu’on prélève une partie des produits alimentaires, soit qu’on cultive aussi des produits de rente. Les ménages ruraux s’adonnent à la vente des produits agricoles afin d’en tirer un supplément de revenu pour diversifier le régime alimentaire et subvenir à d’autres besoins non alimentaires. Cependant, la grande partie des besoins fondamentaux demeurent insatisfaits. Dans la plupart de cas, les chercheurs tombent dans la tentation de conclure que lorsqu’un ménage procède à la vente des produits agricoles, c’est qu’il réalise un surplus. Ce n’est pas toujours le cas. Lorsque les paysans procèdent à la vente de produits agricoles, c’est parfois pour faire face tout d’abord à d’autres besoins comme la scolarité des enfants, la construction, le paiement d’une dette, la contribution à une manifestation telle que le mariage ou le deuil et/ou le financement d’une petite activité non agricole,… Ce n’est qu’après avoir satisfait ces besoins que le revenu procuré de la vente peut servir à l’achat de denrées alimentaires.

58Les conclusions auxquelles on arrive au regard des activités des répondants renvoient au concept de producteur agricole pluriactif. C’est-à-dire, qui combine l’agriculture avec une ou plusieurs sources de revenus non agricoles et/ou travail occasionnel rémunéré (Hesselberg, 1985). Bien que les activités diversifiées soient dans la plupart de cas rares pour les ménages pauvres, comme il est souvent développé dans la littérature, les stratégies d’adaptation consistent à diversifier les activités pour barrer la route aux situations pouvant mettre en mal les moyens d’existence. Une étude menée en Tanzanie montre que la pluriactivité est essentielle pour la sécurité des moyens d’existence des communautés rurales, car une activité peut être utilisée comme source de fonds de roulement pour les autres activités (Sesabo et Tol, 2005). La diversification des moyens d’existence est une norme dans les milieux d’étude, mais ne fournit pas non plus comme l’agriculture des garanties suffisantes aux paysans pour éliminer leur vulnérabilité à cause des faibles revenus qu’elle génère. Les paysans accèdent à des revenus et des aides matérielles de la part de la famille, des amis, rarement des ONG.

59Les maladies des plantes et des animaux expliquent aussi l’insécurité alimentaire dans la zone d’étude. Cette variable est significative, mais le signe attendu est contraire à ce que nous avons prévu. En effet, lorsque les plantes sont attaquées par les maladies et autres ravageurs, la probabilité de ne rien produire est élevée et il y a un risque que la famille de l’agriculteur tombe dans une situation d’insécurité alimentaire. Environ 90,33 % de la population de notre échantillon sont concernés par la maladie des plantes et autres ravageurs. Dans une étude sur les facteurs qui expliquent l’insécurité alimentaire en Afrique Australe, Misselhorn (2005) montre que les contraintes environnementales et la pauvreté placent les ménages dans une situation d’insécurité alimentaire. Le tableau 10 montre les typologies et stratégies individuelles de gestion à partir des réflexions des « focus groups »

Tableau 10. Typologies des risques et stratégies individuelles de gestion

Typologie

Risque

Stratégies

Risque agricole et environ-nemental

Variabilité de la pluviométrie, longue saison sèche conduisant à la sécheresse, petits lopins de terre, absence des moyens de transport, absence des canaux d’irrigations, destruction des cultures par les hippopotames et autres ravageurs, vols de produits agricoles, Maladie lié aux plantes et aux animaux, pas de semences de bonne qualité, non-utilisation des engrais, mort de cheptel, infertilité du sol, absence des marchés des intrants, déforestation, érosion, pollution des rivières,

Substitutions des produits locaux par les importations, comme il est difficile de soigner les petits rongeurs et les poules, les paysans les égorgent et mangent. Usage des déchets des animaux. En période de soudure : Emprunt des produits agricoles auprès des autres agriculteurs, vente du bétail, consommation des bananes et patate douce, vente d’équipement de production et des biens personnels. Lutte antiérosive, recherche d’assistance, construction des haies, regroupement en association, etc.

Risque non agricole

Faible production, absence des marchés et asymétrie d’information sur le prix, absence d’autres activités génératrices de revenu, accroissement démographique. Spoliation des produits par les intermédiaires, absence d’institutions formelles et informelles de financement, absence des moyens de stockage, famine, rupture de minerval pour faire étudier les enfants

Les activités domestiques multiples. Exploitation des ressources environnementales. Fréquentation des différents marchés. Compromettre la qualité et la quantité consommée. Développement du capital social, vente des actifs et objets de valeur. Vente de la main d’œuvre (les paysans vont travailler pour les autres paysans, travail occasionnel en ville, coupes d’arbres, vol des feuilles dans les champs

Santé

Consommation des eaux non traitées, absence des expertises qualifiées dans les centres de santé, Risque de maladie pendant d’irrigations, habitation précaire et propice aux maladies, apparition des anciennes maladies, risque d’être contaminé par la maladie des animaux en habitant ensemble et les mangeant alors qu’ils sont malades, etc.

Recours aux soins traditionnels. Mutuelle de solidarité et de santé. Automédication.

Socio-politique et juridique

Risque de se faire prendre les champs, le concessionnaire renchérit le prix en cas de bonne production, Absence de protection juridique des agriculteurs locataires. Non-respect des engagements pris par les concessionnaires. Contrats fonciers ambigus, Déclin du réseau social, famine, …

Entraide. Location des terres.

Travail chaque jeudi de la semaine chez le concessionnaire pour fidéliser contrat.

60Les discussions en focus group indiquent qu’un nombre important des répondants de notre échantillon ont sollicité un emprunt pour faire face aux besoins alimentaires. Ces discussions en focus group ont montré que ce phénomène est davantage observé en période de soudure étant donné que les ménages ne sont pas trop impliqués dans les activités agricoles. Parmi ceux qui empruntent de l’argent, environ 40 % les font auprès des parents, et 48 % les reçoivent des amis. Les institutions de micro finances sont quasi absentes des milieux.

61Le capital social renvoie aussi aux ressources (réseaux, les relations sociales, les affiliations, les associations) auxquelles les gens peuvent accéder (Scoones, 1998) dans le milieu d’étude. Un ménage peut échouer dans ses activités agricoles et ne pas s’engager dans des activités non agricoles, mais avoir assez de nourriture et d’argent pour vivre temporairement à travers son capital social. Selon Wesley et Sharkey (2011), les personnes ayant un capital social faible sont plus souvent susceptibles de connaître l’insécurité alimentaire. Cependant, les réseaux d’aide tendent à disparaître à cause de la pauvreté généralisée et l’esprit mercantile du paysan influencé par la modernité (un consensus dans tous les groupes group). Les réseaux verticaux, en se référant aux relations entre les riches et les pauvres, sont à la hausse et sont une négation des canons de base du capital social que les intérêts économiques et politiques sont intégrés dans les intentions des participants, perpétuant ainsi l’exploitation des relations patron-client qui relèguent les pauvres à des situations de vulnérabilité structurelle. Les problèmes économiques généraux affectant toutes les catégories de personnes érodent le capital social parmi les ménages les plus pauvres.

62Les réseaux d’assistance semblent reposer fortement sur le principe de la réciprocité, ce qui fait que les personnes qui s’en sortent mieux ne veulent pas avoir des transactions avec des personnes en situation de précarité qui ne peuvent pas rendre pareil service. Les réseaux horizontaux sont efficaces surtout chez les pauvres modérées, mais ceux-ci sont dépourvus de flux importants de ressources, car ils souffrent tous des effets égaux lorsque des chocs généraux les frappent. Les événements particuliers tels que la maladie et la mort sont les seuls cas où le capital social est facilement disponible en utilisant les réseaux à la fois verticaux et horizontaux au sein de la communauté familiale et locale.

  • 5 Ces nourritures que nous pouvons appeler des biens inférieurs sont les bananes à boisson, les patat (...)

63Le sexe du chef du chef du ménage présente le signe attendu mains il est non significatif. Les femmes contribuent aux moyens d’existence des ménages grâce aux cultures qu’elles pratiquent sur différentes exploitations en fonction des besoins alimentaires. La charge psychologique et physique de pourvoir aux besoins alimentaires du ménage se lit sur le visage de chaque femme. L’incapacité des hommes à accroître la production agricole et le revenu se traduit par des charges plus lourdes pour les femmes étant donné qu’ils sont censés prévenir la famine dans la famille. La modernisation et les changements sociaux qui en découlent sont l’évolution des relations de pouvoir au sein du ménage en faveur des femmes. Dans une large mesure, la plupart des hommes sont toujours situés dans un domaine d’activité étroit par rapport aux femmes à qui la littérature sur la diversification ne parvient pas à donner des explications sur la crédibilité de leurs modèles d’activité. L’examen du calendrier d’activité montre qu’il n’existe pas de vacances pour les femmes. La survie des ménages pendant les moments difficiles n’est pas donc chose aisée. En nous référant toujours aux réponses du focus groups, nous avons remarqué que plus 50 % des participants procèdent à la vente des biens personnels et de production pour acheter la nourriture (animaux principalement), 62 % constatent des départs des actifs productifs. La totalité des ménages a affirmé manger des aliments qui n’interviennent pas dans leur alimentation lorsqu’ils ont des moyens économiques suffisants5. Cependant, ces produits sont aussi devenus rares à cause des maladies et ravageurs qui attaquent les plantes dans les milieux étudiés. Les coupes d’arbres font partie des stratégies utilisées par les ménages enquêtés pendant la période de soudure avec comme conséquence le déboisement systématique et dégradation de l’environnement des zones étudiées.

Perception des causes de l’insécurité alimentaire par les ménages

64Les perceptions paysannes sur les causes de l’insécurité alimentaire sont à trouver parmi les facteurs qui affectent la sécurité des moyens d’existence au niveau micro et macro. Notre zone d’étude étant agricole, il est par conséquent évident que les chocs qui affectent la production agricole soient au premier rang des causes à l’origine de l’insécurité. L’impact des faibles rendements de cultures sur la catégorie fragile est plus élevé dans le groupement où l’accès à la terre est limité.

65Le changement climatique, en particulier dans les fluctuations de la pluviométrie, constitue une contrainte majeure au développement agricole. Les paysans dans la zone d’étude sont confrontés à un double problème de précipitations faibles et fluctuantes. Les années avec une abondance de pluies ne se traduisent pas nécessairement par des conditions d’humidité adéquates pour les cultures en raison de la mauvaise répartition dans les mois pluvieux. Des études empiriques montrent qu’il existe une corrélation entre les précipitations annuelles et le nombre de jours de pluie (FAO, 2007). À Kamanyola par exemple, les populations enquêtées ont estimé être chaque fois confrontées aux problèmes de sécheresse qui entrainent une perte de toute la production. Le calendrier agricole est souvent perturbé par le manque de connaissances sur les périodes propices pour le semi.

66La dégradation des terres, la surexploitation et la perte de fertilité qui résultent de la pression démographique et qui conduit à la réduction des périodes de jachères et à la culture permanente sur les terres (rapporté dans tous les entretiens avec les ménages) constituent des facteurs limitants de la productivité agricole. Ruttan (1998) estime que la dégradation du sol et l’érosion sont vues comme de vraies menaces à la croissance soutenable de la production agricole dans les pays développés et en développement. La suppression des subventions agricoles depuis le programme d’ajustement structurel et le manque de prêts pour les petites exploitations agricoles, le faible niveau de production du fumier à cause de la diminution des effectifs du cheptel exercent un effet négatif sur la production vivrière. Selon Gerner et Harris (1993), l’utilisation de l’engrais comme source externe de nutriments des plantes ne couvre qu’entre 11 et 22 % des cultures céréalières en Afrique. Dans la zone d’étude, alors qu’à Ikoma, Nyangezi et Bugobe 20 % des ménages ont affirmé avoir fait recours aux engrais organiques, à Kamanyola l’utilisation des engrais n’est pratiquée par aucun répondant (Focus group).

67Les obstacles à l’agriculture sont aussi liés à l’accès à la terre selon les enquêtes, à la disponibilité de la main-d’œuvre, à la technique de production, aux infrastructures, au dysfonctionnement des marchés du crédit et des intrants et à la fréquence du risque de production lié aux contraintes environnementales, à la faible intégration de la filière, à l’accès à la vulgarisation et aux organisations rurales ont été relevés par les répondants.

68En effet, l’absence de politique de sécurisation foncière appropriée fait que certaines catégories de producteurs issues de l’économie familiale (autochtones, femmes, jeunes, migrants…) se heurtent à des difficultés d’insécurité alimentaire. À ce propos, Bogale et al. (2006) met en évidence que la rareté des terres dans le contexte de l’absence de définition précise des droits de propriété entraine à la perpétuation de la pauvreté et à l’insécurité alimentaire pouvant conduire même à des conflits. L’infrastructure rurale reste une contrainte majeure dans la province malgré la constance de l’objectif de sécurité alimentaire des ménages pauvres dans les discours politiques. Dans la province, l’agriculture n’est pas une priorité dans l’allocation des investissements. Il suffit de voir dans le budget de l’État la part consacrée à la recherche et au développement agricole pour s’en rendre compte.

69D’autre part, au niveau de chaque groupement il n’y a aucune institution qui s’occupe de la commercialisation des produits agricoles. L’intégration entre les filières qu’on devrait observer en aval n’existe pas encore. Ce manque des structures de soutien est une caractéristique de toutes filières agricoles au Sud-Kivu (Bucekuderhwa, 2006). Il se peut donc que nos milieux soient caractérisés par un dysfonctionnement total du marché. Cet état de choses rend les ménages vulnérables face aux menaces des produits importés. Les principales faiblesses des marchés résident dans les fortes fluctuations des prix qui constituent une source majeure de risque pour les producteurs. Cette instabilité des prix est surtout liée aux fortes fluctuations des productions nationales, à l’étroitesse des marchés, à la faiblesse du stockage, aux coûts des transactions élevés entre les producteurs et les intermédiaires, et au manque d’information de marché. Développer les marchés et les échanges afin d’assurer des débouchés porteurs aux producteurs demandent non seulement la modération de l’instabilité des prix à travers le développement des infrastructures de transport et de l’information, mais aussi l’accroissement de la compétitivité des produits locaux pour faire face aux importations dont la qualité reste d’ailleurs à déterminer. Environ 73 % procèdent aux achats des nourritures juste après la récolte à cause des mauvaises récoltes et de l’absence des moyens de conservation adéquats. Ce qui prouve à suffisance que nos enquêtés, non seulement ils sont en insécurité alimentaire, mais ont aussi perdu leur autosuffisance alimentaire pour toutes les cultures qu’ils pratiquent. Ils sont confrontés à des défis majeurs à tel point que les politiques mises en œuvre peinent à intégrer leur problème : celui de concilier les mutations en cours avec les exigences de l’environnement.

Conclusion

70Notre analyse, basée sur des données de terrain des ménages ruraux, met en lumière la situation alimentaire dans les zones rurales où le projet sur la gouvernance des ressources naturelles collectives avait été conduit de 2009 à 2012.

71Premièrement, nos résultats révèlent que la majorité de la population dans les villages de l’étude est en insécurité alimentaire. Même pendant la récolte, les ménages ne sont pas en sécurité alimentaire alors que durant cette période ils sont censés l’être. Le statut pauvre de la sécurité alimentaire est en partie lié aux conditions physiques et environnementales pauvres, à la faible disponibilité des terres arables, aux problèmes d’accès au financement des activités agricoles, au faible encadrement agricole, à la faiblesse des services de vulgarisation, à une inégalité dans la distribution du revenu et de la richesse, à la baisse de la productivité, à la dégradation des infrastructures de base surtout sanitaires et de stockage, au bas niveau du capital social et au faible niveau d’opportunités pour les activités non agricoles. Bien que les périodes de récolte permettent à certaines personnes d’être en sécurité alimentaire, le niveau bas de prix les empêche toutefois de constituer des actifs solides dont ils auront besoin dès que la période de soudure commence. À cause de la baisse des productions et de l’insécurité foncière, les ménages dans les villages d’étude dépendent à la fois des activités agricoles et non agricoles. Seul un petit nombre de ménages peut être en sécurité alimentaire grâce aux seules productions agricoles. Malgré la complexité du problème, les ménages ont besoin et méritent un soutien accru. Ce soutien devrait être basé et construit le cas échéant, sur les pratiques locales tout en répondant aux diverses menaces qui pèsent sur leur mode de production.

72Par conséquent, il faut favoriser l’accès à l’alimentation, à l’instruction et au financement des activités économiques. Ces mécanismes devront être suivis par des politiques d’accompagnement pour qu’ils conduisent à la sécurité alimentaire.

73Au niveau de la disponibilité, la production alimentaire à grande échelle dans les villages d’étude en appelle à la relance et à l’intensification des activités agricoles, à la diversification de la production, et à la création des conditions de stockage afin de ne plus dépendre totalement des importations étrangères et de l’aide alimentaire. Il faudrait aussi permettre aux paysans d’accéder aux nouvelles technologies dont l’usage contribuerait positivement à la sécurité alimentaire par l’augmentation des rendements aujourd’hui rudimentaires. Offrir un encadrement technique adéquat, rendre les manuels de vulgarisation en langue locale adaptés au niveau de formation des hommes et des femmes-chefs de ménages, multiplier les organisations paysannes pour aider les analphabètes à s’approprier collectivement des nouvelles technologies par l’apprentissage et l’action seraient là quelques pistes intéressantes à valoriser.

74Au niveau de l’accès, il serait intéressant d’envisager la création des coopératives agricoles et des mutuelles de solidarités (MUSO) afin d’offrir aux paysans un cadre qui leur permet d’écouler leurs produits et de s’approvisionner en retour en bien de première nécessité. D’autre part, la création d’institutions financières formelles appropriées qui ciblent les agriculteurs dans l’octroi des crédits pour promouvoir les activités génératrices des revenus permettrait à ces groupes marginaux de disposer des moyens de production. La maternité étant devenue un handicap, car contraignant les femmes à rester des aides ménagères, l’homme devenant à cet effet le seul pourvoyeur des revenus du ménage, il devient plus difficile d’assurer la sécurité alimentaire d’une façon permanente. Le développement des marchés agricoles aussi bien pour les intrants que pour les produits agricoles est un autre moyen qui permet au ménage l’accès à des revenus plus réguliers. Résoudre les problèmes d’insécurité foncière grâce à un assainissement juridique privilégiant les familles sans terre est également une piste en faveur de la sécurité alimentaire et la réduction de la vulnérabilité pour un nombre important des ménages.

75Au niveau de l’utilisation, un effort devrait être fait pour veiller à la qualité saine des nourritures par des agences nutritionnelles et des services de contrôle et de la sureté alimentaire afin d’éviter à la population des risques alimentaires qui augmentent sans cesse. L’analyse montre qu’il est important de procéder à la vulgarisation des bonnes habitudes alimentaires, mieux comprendre le système alimentaire local et adresser des objectifs communautaires de sécurité alimentaire. Il a été constaté en effet que les paysans sont victimes des maladies d’origine hydrique et de la main sale, c’est pourquoi la formation quant au système de cuisson s’avère indispensable.

76L’action collective comme moyen d’accès aux ressources économiques est devenue faible dans le milieu malgré la présence de nombreuses organisations communautaires de base. Il sied donc d’analyser les problèmes ayant conduit à sa disparation pour pouvoir repenser le développement du milieu d’étude. La guerre qui a sévi dans la zone d’étude quelques années plus tôt avait décimé toutes les bêtes ; il faut donc étudier les voies et les moyens de relancer cette activité pour la sécurité alimentaire des ménages. La disparation de certains modes traditionnels d’accès au bétail avant la guerre devrait être revisitée. Une telle étude devrait aboutir aussi à l’établissement d’un état des lieux des animaux domestiques disponibles et du niveau de dépendance en produits d’élevage.

77La participation aux activités non agricoles est un des mécanismes alternatifs pouvant aussi permettre aux ménages ruraux l’accès aux revenus monétaires. Il est donc crucial de procéder à une analyse mettant en relief les facteurs conduisant la participation aux activités hors ferme et la vulnérabilité à l’insécurité alimentaire. Cette étude pourra permettre de comprendre mieux les facteurs qui conduisent à ce qu’un ménage agricole puisse avoir un comportement de subsistance plutôt qu’un comportement orienté vers le marché. Il a été constaté aussi que les ménages vivent dans des conditions qui les prédisposent à demeurer dans l’insécurité alimentaire.

78Les résultats nous ont montré que les ménages ayant un boisement ont plus de chances de faire face au risque d’insécurité alimentaire. Cette possibilité peut, dans une certaine mesure, traduire les conditions environnementales devant lesquelles se trouve le ménage. Les zones d’étude sont typiquement dépourvues en ressources environnementales. L’amélioration de l’espace environnementale, par exemple le reboisement des anciens sites de la mission anti érosives (MAE), l’électrification rurale à base de l’énergie solaire, l’amélioration de l’espace rural grâce au développement de nouvelles méthodes agricoles, etc., et de l’infrastructure en capital humain en améliorant le niveau d’éducation pourrait réduire le coût environnemental, favoriser les activités non agricoles et améliorer la productivité agricole.

79Aussi, la maitrise des contrats fonciers dans le milieu d’étude parait être d’une importance capitale dans la mesure où sans accès à la terre, il est inutile pour un ménage de rester dans le milieu rural. Il sera ici question de travailler sur des politiques incitatives telle par exemple le contrat foncier qui assure mieux la productivité agricole.

Haut de page

Bibliographie

Abdulai, A. et A. Crole Rees, 2001, Determinants of income diversification amongst rural households in Southern Mali, Food Policy, 26, 437–452.

Barrett, C.D. et P.A. Dorosh, 1996, Farmers’ Welfare and Changing Food Prices : Nonparametric Evidence from Rice in Madagascar. American Journal of Agricultural Economics 78(3), 656–69.

Bhattacharya, J., J. Currie et S. Haider, 2004, Poverty, food insecurity, and nutritional outcomes in children and adults, Journal of Health Economics, 23(4), 839-862.

Bogale, A., M. Taeb et M. Endo, 2006, Land ownership and conflicts over the use of resources : Implication for household vulnerability in eastern Ethiopia, Ecological Economics 58, 134-145.

Buchekuderhwa et Ngendakuriyo, 2011, Technological change and subsistence farming : A two stage optimal control approach, Working paper.

Buchekuderhwa, C., 2006, Pour une politique rizicole en faveur d’un développement rural intégré au Sud-Kivu, LEAD, Projet PIC « Dynamique des filières productives et développement rural intégré », CUD, Discussion paper, miméo, LEAD, UCB.

Campbell, C.C., 1991, Food insecurity-a nutritional outcome or a predictor variable ? Journal of Nutrition, 91, 408–415.

Doss, C.R., 2006, Analyzing technology adoption using micro studies : limitations, challenges, and opportunities for improvement, Agricultural Economics, 34, 207-219.

Dupriez, H., 1980, Paysans d’Afrique noire, 2èmeédition, ISBN 2-87105-003-3, Harmattan, Paris.

Dupriez, H., 1987, Bushi, l’asphyxie d’un peuple, , inédit (reprographié).

Food Agriculture Organization (FAO).

Gaye, D., 2005, Pauvreté et insécurité alimentaire au Sud-Kivu. Situation des milieux précarisés à l’Est de le République Démocratique du Congo.

Gener, G.H. et G. Harris, 1993, The Use and Supply of Fertilizers in Sub-Saharan Africa”, in Van R. et H.W. Prins. The Role of Plant Nutrient for Sustainable Food Crop Production in Sub-Saharan Africa, The Dutch Association of Fertilizer Produce.

Gross, R., 2002, Food and nutrition security in poverty alleviation : Concepts, strategies, and experiences at the German Agency for Technical Cooperation, Asia Pacific J Clin Nutr, 11, 341-347.

Gundersen et Kreider, 2009, Food insecurity and insufficiency at low levels of food expenditures. Mimeo, Department of Economics, University of North Carolina at Greensboro.

Hall, D. O., 1998, Food security : what sciences have to offer ? A study for ICSU. International Council for Science (ICSU).

Hesselberg, J et J. A. Yaro, 2006, An assessment of the extent and causes of food insecurity in northern Ghana using a livelihood vulnerability framework, GeoJournal, 67, 41-55.

Hesselberg, J., 1985, The third world in transition : The case of the peasantry in Botswana. Uppsala : Scandinavian Institute of African Studies.

Howard, L., 2011, Does food insecurity at home affect non-cognitive performance at school ? A longitudinal analysis of elementary student classroom behavior, Economics of Education Review, 30, 157-176.

Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires ; http://www.ifpri.org ;

Jayne, T.S., D. Mather et E. Mgheny, 2010, Principal Challenges Confronting Smallholder Agriculture in Sub-Saharan Africa, World Development, vol. 38,No. 10,13841398.

Kalita, K. S., 2012, Accès à l’eau et sécurité alimentaire à Walungu, Mémoire de Licence, UCB.

Kirkpatrick et Tarasuk, 2008, Food insecurity is associated with nutrient inadequacies among Canadian adults and adolescents. Journal of Nutrition, 138(3), 604–612.

Lukuli, 2005, La pauvreté au Sud-Kivu : concept et mesure, LEAD, Projet PIC « Dynamique des filières productives et développement rural intégré », CUD, Document de travail, miméo, LEAD, UCB.

Lukuli, 2006, Mesure et analyse de la pauvreté au Sud-Kivu, LEAD, Projet PIC « Dynamique des filières productives et développement rural intégré », CUD, Document de travail, miméo, LEAD, UCB.

Masawe, J., 1992, Farming systems and agricultural production among small farmers in the Uguru Mountain area, Morogoro region, Tanzania, Africa study monograph, 13(3), 171-183.

Maxwell, D.G., 1995, Measuring food insecurity : the frequency and severity of “coping strategies”, Food Policy, vol. 21, No.3, 291-303.

Mérino, M., 2009, L’insécurité alimentaire en Afrique Subsaharienne, Fondation pour la Recherche Stratégique, Note de la FRS, N° 01.

Ministère du Plan, Document de stratégie, de croissance et de réduction de la Pauvreté, 2006

Misselhorn, A.A., 2005, What drives food insecurity in southern Africa ? A meta-analysis of household economy studies, Global Environmental Change 15, 33-43.

Mufungizi, 2006, Les déterminants du revenu agricole commercialisé dans les ménages ruraux du Sud Kivu, LEAD, Projet PIC « Dynamique des filières productives et développement rural intégré », CUD, Document de travail, miméo, LEAD, UCB.

Munzihirwa, C., 1978, Les bases économiques du pouvoir politique de Kabaré", Revue sociolog. Université Libre Bruxelles, n° 3, 183-207.

Nnakwe, N. et C. Yegammia, 2002, Prevalence of food insecurity among households with children in Coimbatore, India, Nutrition Research, 22, 1009-1016.

Ntibonera, S. A., 2012, Migration rurale-urbaine et sécurité alimentaire au Sud-Kivu, Mémoire de Licence, UCB.

Prskawetz, A., Winkler-Dworak et M.G. Feichtinger, 2003, Production, distribution and insecurity of food : a dynamic framework, Structural Change and Economic Dynamics, 14, 317-337.

Quisumbing, A.R., L.R. Brown, HS Feldstein, L. Haddad et C. Peña, 1995, Women : the key to food security. Food Policy Report, IFPRI, Washington.

Ruttan, V.W., 1998, Models of Agricultural Development, in International Agricultural Development”, 3rd edition, par Carl K. Eicher and John M. Staatz, Baltimore : Johns Hopkins University Press, 155-62.

Scoones, I., 1998, Sustainable rural livelihoods : A framework for analysis. IDS Working Papers 72, Sussex.

Sesabo, J.K. et R.S.J. Tol, 2005, Factors affecting income strategies among households in Tanzania coastal villages : implications for development conservation initiatives. Working paper FNU-70.

Shaw, D. J., 2007, World food security : a history since 1945, Palgrave Macmillan, New York.

Shetty, P.S., 2006, The Boyd Orr lecture : achieving the goal of halving global hunger by 2015. Proc Nutr Soc, 65, 7-18.

Shetty, P.S., 2009, Incorporating nutritional considerations when addressing food insecurity, Food Security, 1, 431-440.

Siegle, J., 1999, Understanding Food Security : A Conceptual Framework for Programming. World Vision, Inc., Programs Group : Federal Way, WA (USA).

Swaminathan, M.S., 2008, Achieving sustainable nutrition security for all and forever. International Union of Food Science & Technology (IUFOST) Congress. http://www.iufost.org/world_congress/documents/IUF.Food.Security.Swami.2.pdf.

Tarasuk, V.S., 2001, Household Food Insecurity with Hunger Is Associated with Women’s Food Intakes, Health and Household Circumstances, The Journal of Nutrition, 2670-2676.

UNICEF, 1990, Strategy for improving nutrition of children and women in developing countries. UNICEF, New York.

Verpoorten, M., A. Arora, et J.F.M. Swinnen, 2012, Self-Reported Food Insecurity in Africa During the Food Price Crisis, Discussion Paper 303/2012.

Vis, H.L., 1975, Analyse de la situation nutritionnelle dans la région des Grands lacs d’Afrique centrale (l’impasse démographique), In Tiers-Monde. 1975, tome 16 n° 63. pp. 567-594.

Vozoris, N.T. et V.S. Tarasuk, 2003, Household food insufficiency is associated with poorer health. The Journal of Nutrition, 133 (1), 120-126.

Weber, M.T., J.M. Staatz, J.S. Holtzman, E.W. Crawford et R.H. Bernsten, 1988, Informing Food Security Decisions in Africa : Empirical Analysis and Policy Dialogue. American Journal of Agricultural Economics 70, 1044–52.

Weingartner, L., 2005, The concept of food and nutrition security. In : Klennert K (ed) Achieving food and nutrition security : actions to meet the global challenge. InWEnt (Internationale Weiterbildung und Entwicklung gGmbH), Germany.

Wesley, R. D. et J. Sharkey, 2011, Food insecurity, social capital and perceived personal disparity in a predominantly rural region of Texas : An individual-level analysis, Social Science & Medicine 72, 1454-1462.

World Bank, World development indicators. http://www.worldbank.org.

Wouterse, F. et J. E. Taylor, 2008, Migration and Income Diversification : Evidence from Burkina Faso, World Development vol. 36, No. 4, pp. 625–640.

Haut de page

Notes

1 Cette question est tirée du questionnaire sur l’insuffisance alimentaire développé pour the Third National Health and Nutrition Examination Survey (21 –24)

2 Kalinzi : contrat d’occupation de terre passé entre avec un propriétaire terrien dans le système traditionnel chez les Bashi au Sud-Kivu

3 Bugule : Mot qui désigne « achat de terre » dans le système traditionnel d’acquisition des terres chez les Bashi.

4 Bwasa : contrat de location des terres pour des fins agricoles

5 Ces nourritures que nous pouvons appeler des biens inférieurs sont les bananes à boisson, les patates douces, les légumes, etc.

Haut de page

Table des illustrations

Titre Figure 1. Diversité alimentaire des ménages
URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/13819/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 40k
Titre Tableau 9. Facteurs déterminants l’insécurité alimentaire dans la zone d’étude
Crédits Source : Travail de terrain, 2012
URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/13819/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 97k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Célestin Bucekuderhwa et Sylvain Mapatano, « Comprendre la dynamique de la vulnérabilité à l’insécurité alimentaire au Sud-Kivu »VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Hors-série 17 | septembre 2013, mis en ligne le 12 septembre 2013, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/vertigo/13819 ; DOI : https://doi.org/10.4000/vertigo.13819

Haut de page

Auteurs

Célestin Bucekuderhwa

Université catholique de Bukavu, UCB. Faculté des sciences agronomiques, République Démocratique du Congo

Sylvain Mapatano

Plateforme Diobass au Kivu, République Démocratique du Congo, courriel : mapatano_s@yahoo.fr

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search